L’académisme pour dénoncer, l’académisme pour instruire un public résolument tourné vers l’avenir semble avoir réussi à Giulio Ricciarelli, cinéaste mettant ici en scène la découverte par l’opinion publique allemande, en 1958, des atrocités nazies, des exactions monstrueuses commises notamment à Auschwitz. A l’heure ou la nation germanique fait son deuil, à l’heure de tourner la page, alors que les dirigeants s’affairent à masquer des terribles vérités qui mettraient à mal la vie sociale du pays, un jeune procureur de Frankfort ouvre la boîte de Pandore, amorçant une croisade punitive contre des anciens SS stationnés dans le camp de la mort polonais. Découvrant que beaucoup de bourreaux vivent librement au sein de la population allemande, 20 ans après les faits, ce nouveau justicier entend confondre ce qu’il considère comme des meurtriers. Carrément ignorant aux origines, le jeune juriste plongera bientôt la tête la première dans l’horreur, jusqu’à l’ouverture d’un procès symbolique.
Tout est donc question ici d’héritage, de prise de conscience. Le cinéaste met clairement l’accent sur l’ignorance d’une certaine partie du peuple germanique et l’aveuglement volontaire des autres. Certaines vérités sont-elles trop horribles pour qu’une nation sorte la tête de l’eau? Sans doute. Mais la rédemption passe par le jugement. Quoiqu’il en soit, Giulio Ricciarelli dresse une toile narrative d’une limpidité académique qui permettra à tout un chacun de se fondre dans ce récit politique, historique et judiciaire avec une certaine aisance. Cette facilité d’accès, justement, prive selon moi le film d’un réel impact dramatique. Bâti tel le plus lancinant des films fleuve hollywoodien sur des sujets similaires, Le labyrinthe du silence manque de vivacité, d’indépendance, la preuve en est de cette histoire d’amour complètement futile qui plombe le final du récit. Pour parer à la mémoire douloureuse de l’Holocauste, tout le monde semble avoir pris ici le parti de la légèreté de ton, à quelques exceptions près.
Paradoxalement, cette limpidité narrative, cette facilité dans l’évolution du récit, ouvre facilement les yeux du public lambda sur l’une des conséquences peu soulevées de cette monstrueuse guerre, soit le regard porté sur le passé par la génération allemande qui suit. Le point fort de film de Ricciarelli, c’est sans le moindre doute lorsqu’il traite de la culpabilité. Oui, qu’importe la croisade, qu’importe l’avenir, tous les allemands semblent devoir vivre avec une certaine forme de culpabilité. C’est ce penchant là que le cinéaste a le mieux cerné dans son entreprise, notamment en ce qui concerne le sursaut de son personnage principal, prenant clairement conscience du passé lorsqu’il gratte sous la surface.
Film utile, film historique important, Le labyrinthe du silence n’en reste pas moins terre-à-terre, beaucoup trop. Ici, on évacue bien trop souvent la dramaturgie au profit de la logique, des beaux discours. Que les acteurs soient bons n’y changent finalement rien. L’effort est louable mais le sujet était sans doute bien plus complexe que ça, bien trop complexe du moins pour qu’un cinéaste, avec somme toute assez peu de moyens, l’expose en deux petites heures, chronomètre en main. 11/20