Méticuleusement, Frédéric Tellier tisse la toile épaisse d’une enquête policière s’étalant sur une décennie, la traque du tueur de l’est-parisien, Guy Georges. Le violeur et assassin, condamné en 2001 suite à ses aveux, incarne le monstre à la française, objet de fascination, de répulsion et d’une curieuse transposition d’un mal typiquement américain, ne pouvait être traité à la légère. Le sujet est fort, voire bouillant, et Frédéric Tellier, metteur en scène novice, se devait de ne pas tomber dans le piège de la facilité, du pathos ou encore de la surenchère. Son approche quasi documentaire du sujet, étalé sur des années, font de l’affaire SK1 un film d’une absolue intégrité. Si l’on serait tenté, avis partagé par bon nombre de critiques spécialisées, de reprocher au metteur en scène d’avoir manqué d’audace dans sa narration, d’avoir tenté de dédramatiser les faits en faisant abstraction de tout spectacle sanguinolent ou larmoyant, il apparaît en définitive que l’angle d’approche fût le meilleur qui soit. Ni juge ni provocateur, le procédé permet d’approcher les différentes parties concernées avec un professionnalisme sincère, qu’il s’agisse des forces du police, des magistrats et au surplus, du tueur lui-même.
Artistiquement plat, on ne saurait le dire autrement, le film de Frédéric Tellier n’en demeure pas moins un exemple d’éloquence, de travail minutieux. Aux travers des dialogues, forts bien écrits, nous retrouvons le dialecte propre à la police judiciaire, aux magistrats. Nous nageons en pleine fiction réaliste au possible, aux côtés d’individus jamais héroïques ni même complaisants. Les flics sont des flics, troublés par l’horreur qu’ils découvrent au passage d’un monstre sanguinaire, procédé très judicieusement mis en scène. En effet, les successions de découvertes macabres, qui viennent sans prévenir, entraîne le public toujours plus loin dans l’horreur, certes, mais surtout dans l’incompréhension des forces de l’ordre face à leur incapacité à mettre la main sur le meurtrier. La tension monte en tout début de film et ne retombe jamais, grâce à cette manière de toujours faire ressurgir le drame là où personne ne l’attendait plus. S’attardant sur les détails de l’enquête, le film pourrait en pâtir dans le rythme, le cinéaste s’efforce de ne pas s’égarer sur les chemins du purement fictionnel, toujours convaincu de la droiture de son entreprise pour le moins respectueuse.
Au cœur de cette machine bien huilée se croisent des comédiens parfaitement briefés et dont l’efficacité de certains est indéniable. Raphaël Personnaz, timoré, timide mais bien vivant, trouve parfaitement sa place dans la peau d’un enquêteur tenace mais parfaitement conscient de la succession des échecs de la Police. Olivier Gourmet, quant à lui, démontre une nouvelle fois un talent indéniable de comédien passe-partout, adoptant toutes les postures qui lui sont demandées. On notera aussi l’excellente prestation de Nathalie Baye, que l’on aimerait voir plus souvent sur les écrans français. Quant au comédien qui incarne le monstre, Guy Georges, celui-ci s’en sort avec toutes les honneurs, n’en faisant jamais trop et jouant l’humain avant tout.
Impeccable film policier s’adressant prioritairement aux aficionados du genre, aux férus de polars judiciaires et autres curieux face à l’histoire, l’affaire SK1 est de ces longs-métrages qui font du bien à l’industrie hexagonale. Pointu, réaliste, respectueux et finalement passionnant pour celui qui veut bien s’y intéresser, le film marque une nouvelle réussite comparable à Présumé coupable. L’autre bonne nouvelle, c’est la venue sur le marché d’un réalisateur prometteur, Frédéric Tellier, qui à l’image d’un certain Cédric Jimenez pour sa French, semble incarner le cinéma policier de demain en France. 16/20