Pas qu’une simple reconstitution
Je vous disais dans mon article sur « L’homme qui en savait trop » que la nouvelle mode du cinéma français était de s’intéresser aux faits divers et aux affaires judiciaires qui ont marqué la société française. Cette fois, c’est autour de l’affaire Guy Georges (surnommé le tueur de l’est parisien), de se voir transposée sur grand écran. Pour ceux qui ne connaissent pas l’affaire, Guy Georges a violé puis tué 7 jeunes femmes entre 1991 et 1998 et il a été condamné en 2001. Que vaut « L’affaire SK1 »? Est-il un nouveau film romancé et insipide ou un film qui vaut vraiment le détour? Décryptage
On va suivre l’affaire du point de vue de deux de ses protagonistes, tout d’abord Franck Magne, l’inspecteur qui a traqué le monstre et Frédérique Pons, l’avocate de Guy Georges qui a défendu le monstre.
Fréderic Tellier, le réalisateur du film, a l’intelligence d’enchevêtrer les deux récits, celui de l’enquête et celui du procès, ce qui a pour effet de mieux comprendre l’affaire et de pouvoir garder un semblant de suspens jusqu’à la scène finale. Mais contrairement au « Zodiac » de David Fincher (que tout le monde semble vouloir comparer à SK1), Tellier ne cherche pas à faire un jeu de piste bourré de suspens mais plutôt à faire du cinéma vérité et humaniste. Après, je peux comprendre que l’on peut faire le rapprochement entre les deux films mais je trouve que le traitement n’est pas du tout le même.
Contrairement à tous les films judiciaires qui ont été fait jusqu’ici, SK1 remplit admirablement son cahier des charges. Le film est extrêmement bien documenté, on est vraiment dans de la « docu-fiction », les évènements sont relatés (presque) dans les moindres détails (jusqu’aux scènes de crimes), attendez-vous à sortir chamboulés de la salle car je vous le dis on se prend la violence et le sadisme des meutres en pleine face.
La mise en scène est extrêmement immersif, tellement immersif que d’une part, on s’attache aux protagonistes principaux, bon peut être pas à tous mais à la majorité, et d’autre part, le rythme assez soutenu nous tient en haleine pendant les deux heures du film.
Les acteurs sont tous époustouflants, notamment le trio Raphaël Personnaz-Nathalie Baye-Olivier Gourmet est parfait, et que dire d’Adama Niane, l’interprète de Guy Georges qui fait ressortir à la perfection la complexité de la personnalité de son personnage. Il faut aussi ajouter à cela un scénario quasiment parfait dont le seul bémol est que certaines scènes, hors enquête et hors procès, sont trop scénarisées et manquent de crédibilité.
Après, vous vous demandez : Qu’est-ce qui différencie SK1 d’autres films basés sur des faits divers ? Et bien je vais vous le dire :
D’une part, le film est pédagogique car on a vraiment l’impression que ce dernier nous prend par la main pour nous démontrer comment cela s’est réellement passé dans les moindres détails. Pour vous donner un exemple, il nous explique même le fonctionnement du 36, Quai des orfèvres entre les différents groupes; alors certes d’habitude cela peut paraitre assez énervant mais ici cette approche est d’une aide précieuse pour la compréhension du récit.
D’autre part, le réalisateur ne se contente pas de traiter l’affaire en elle-même, mais il la replace dans le contexte de l’époque, ce que quasiment aucun film de ce type n’avait fait jusqu’à présent ( du moins dans notre cinéma hexagonal).
Enfin, le film, qui peut apparaitre comme un parti pris contre Guy Georges, se révèle être d’une impartialité époustouflante. Il ne prend quasiment jamais position et essaye de comprendre les raisons de Guy Georges, ce qui permet au spectateur de se forger sa propre opinion et de se questionner sur plusieurs points, comme par exemple: qu’est ce qui a bien pu décider Frédérique Pons de défendre l’homme derrière l’animal ?
Sur ce dernier point, je tiens à tirer mon chapeau à Fréderic Tellier car il faut dire que d’une part ce dernier s’est lancé dans ce projet après qu’une de ses amies ait été violée et d’autre part il a refusé de rencontrer Guy Georges du fait qu’il n’avait aucune sympathie pour lui. Il aurait pu le condamner mais à la place de cela il a décidé d’être le plus neutre et véridique possible. Il a quand même passé plus de 6 ans de recherches sur l’affaire avant d’écrire le scénario, ce n’est pas rien. Rien que pour cela, je tiens à tirer un grand coup de chapeau à ce jeune homme qui signe avec cette « affaire SK1 » un premier long métrage brillant. Je tiens à vous dire Mr Tellier, si vous me lisez, que j’attends impatiemment votre second film.