Incertaine adaptation des « Caprices de Marianne », inspiration maladroite de Truffaut avec son « Jules et Jim », filiation trop marqué avec Claude Sautet notamment par le choix d’un Philippe Sarde à la partition (l’une des plus belle du compositeur d’ailleurs), film parisien par excellence, l’ombre provinciale d’Honoré règne su le film, tout sonne faux à l’image du jeu de son réalisateur Louis Garrel…
Petit florilège de ce que j’ai pu lire ou entende depuis que je suis sorti de belle humeur de la salle où je venais de voir « Les deux amis ». Il y a pourtant un fond de vérité, mais aussi un parti pris négatif évident dans tout cela. Qu’importe, pour paraphraser Beaupain, ces remarques entre mes doigts, comme le sable glisse…
« Les deux amis » est un film fantasque dans le sens littéraire du terme. Il est bizarre, extraordinaire, plein de fantaisie et d’originalité. Cela tient déjà au rachis du scénario, le trio amoureux, ou pour le moins sa trompeuse apparence. Clément et Abel sont amis, tous deux accidentés de la vie (leur « plus jamais » au début du film est terrible), névrosés et cabossés, ils avancent tant ben que mal, un peu à la marge (l’un gardien de nuit par raison, l’autre figurant), forts de ce lien d’interdépendance qui les unit, véritable clé de voûte de leur équilibre respectif. Mais Clément soupire pour Mona incandescente et mystérieuse, vendeuse de jock-food dans une gare, lieu de transit, d’éphémère. Quand Abel rencontre Mona, une faille s’ouvre. Les conséquences pour nos trois héros en seront risquées, sciemment, ils s’y engagent.
Si la trame, comme évoqué plus haut, rappelle « Les caprices de Marianne », il n’en est rien sur les intentions et la finalité. L’intérêt que porte Garrel dans son scénario, réside beaucoup sur l’attache qui unit ces deux hommes, que sur le triolisme de Boulevard ou dramatique. Mona, magnifique héroïne d’un quotidien morose, n’est qu’un symptôme, celui d’une crise profonde qui s’est installée sournoisement dans cette amitié forte. Petite parenthèse, Golshifteh Farahani est un extraordinaire et radieux symptôme.
Abel, sorte de leader négatif, ne possède ni le lustre, ni la stature de l’Octave de Musset, sa vie s’est éteinte un jour. Nous n’en savons et n’en saurons guère plus, Il en est de même sur le parcours de Mona et Clément d’ailleurs. Clément (Vincent Macaigne au sommet se son art) quant à lui est plus basique, limite viscéral. Il s’emporte au gré de ses sentiments en amour comme en amitié. Son besoin d’affection et de reconnaissance lui font souvent se cogner à la vie, il cherche à attirer l’attention en permanence, surtout celle d’Abel, dont il aimerait tant prendre le dessus.
Dès leur rencontre, qu’on imagine puissante, les deux hommes, se sont donnés dans cette Amitié, si complémentaire et fusionnelle au départ, les années passant la raison a empiété sur la ferveur. Et c’est une véritable crise de couple qui se joue sous nos yeux. Il ne s’agit toutefois ni d’un rapport homosexué, moins encore d’homosexualité, juste d’une amitié formelle où s’exprime l’amour et le bien être du partage. Dans ce sens, le scénario est intelligent dans sa démonstration et la construction du film plus encore.
J’avais en tête en entrant dans la salle, le joli souvenir du moyen métrage de Louis Garrel « Petit tailleur ». Que de chemin parcouru depuis tant au niveau de la mise en scène, que de son jeu d’acteur. Certes les références sont nombreuses, celle déjà évoquées de Truffaut, ou Sautet (Garrel préférant d’ailleurs celle-ci) mais aussi d’Honoré (dont on sent un peu la patte, il a cosigné le scénario). Mais il s’en démarque habilement. Il se moque du réalisme, sa caméra est son œil, sa vision propre de l’existence. Tantôt désabusée, attendrie, superficielle ou touchant au cœur, il capte au plus près de ses héros les émotions fébriles et laisse libre court à leurs excès pour notre plus grand enchantement. « Les deux amis » est un film enchanteur.
Louis Garrel s’affirme également dans son jeu, toutes les scories et tics habituels sont effacés, il ne sur joue pas, et affiche une sobriété efficiente, un jeu en profondeur qui donne à Abel toute l’ampleur de sa complexité et surtout de sa fragilité. Il y est magnifique !
On court beaucoup dans « Les deux amis », après un train, pour retrouver l’être aimé, on court contre soi ou pour fuir… Pour ma part, je cours revoir ce film, qui a provoqué en moi tant d’agitations, rire, pleurs et sourire se mêlant à mon insu, pour me donner ce qui sera sans doute ma plus belle aventure de 2015 au cinéma.