C'est une histoire vraie (rappelant celle de l'Américaine Helen Keller), relatée simplement et modestement mise en scène (version sous-titrée en salles - une première, en direction des personnes sourdes et muettes). Une humble servante du Christ (j'entends déjà les ricanements de bon ton...), au nom de fleur (la religieuse oeuvre au potager), mais aussi de pierre fine ("margarita" veut dire perle, en latin) tombe en amour, maternel, magnifié par la spiritualité ("la fille de mon âme") pour une malheureuse de 14 ans, que son état de double handicap, sourde (donc muette), mais aussi aveugle, le tout de naissance, a fait pousser en sauvageonne, et promet à l'hospice, avec les séniles et les fous (conseil du médecin de famille, qui l'estime "débile"). Nous sommes fin 19e, dans le Poitou. L'éducatrice improvisée (elle s'occupe, rappelons-le, jusque-là des légumes de la communauté - des "Filles de la Sagesse", en robe bleue, congrégation fondée au début du 18e siècle) est de santé très précaire (poitrinaire), et s'épuisera à sortir "Marie Heurtin" de sa condition de "brute". Avec succès, grâce à une patience sans bornes et beaucoup de bon sens (elle privilégiait les sens possédés par Marie, l'odorat et le toucher, surtout, pour lui apprendre à communiquer). Isabelle Carré retrouve Jean-Pierre Améris, après "Les Emotifs anonymes" - une nouvelle collaboration opportune : l'actrice incarne à merveille cette belle personne. Film humaniste, et pas du tout calotin - la seule touche de religiosité étant la lecture à voix haute des Saintes Ecritures dans le réfectoire (traduite en langue des signes, l'institution recueillant et élevant gratuitement des filles sourdes - "simplement"..) - dont la sobriété n'évacue pas (loin de là..) l'émotion, perceptible à tout moment. La jeune interprète, sourde elle-même (mais pas aveugle - pour des raisons pratiques), Ariana Rivoire, est remarquable.