Elles sont amies depuis l'enfance, à la fois semblables et différentes. Semblables par l'origine et le milieu social, différentes du fait de leurs caractères et de leurs intérêts. L'une est une élève douée qui révèle très tôt ses dons pour l'écriture, l'autre est une rêveuse qui s'ennuie sur les bancs de l'école. Bien plus tard, la première décide de raconter la seconde, son amie Victoria (Guslagie Malanda), une parmi d'autres, une qui sait ce que c'est que de vivre et d'aimer mais qu'on remarque à peine...
Enfant, par un hasard de circonstance, du fait de la maladie de sa tante qui en a la garde, la petite Victoria a découvert un autre monde que le sien, celui des Stavenay. Hébergée pour une nuit dans le grand et chic appartement de cette famille bourgeoise d'artistes, elle en reste marquée à jamais. L'appartement dans lequel elle vit avec sa tante ne tiendrait-il pas tout entier dans une seule des pièces de celui des Stavenay?!
Au fil des années, Victoria, que les Stavenay ont à peine remarquée, aura cependant de nouveau affaire à eux. Mais de quelle manière? Séduite par le fis cadet de la famille, le temps de tomber enceinte et d'accoucher d'une fille sans même que le père soit au courant. Victoria ne semble jamais être maîtresse d'elle-même et de son sort. Ou, quand elle l'est, cela ne dure pas longtemps. Comme avec celui seul qu'elle aimera vraiment, un musicien souvent absent et dont elle aura un fils. Quant aux Staveney, elle croisera à nouveau leur route mais pour se voir, subtilement et insidieusement, privée de tout.
Adapté d'un récit de la grande romancière Doris Lessing, on retrouve dans ce film toute l'intelligence et tout l'art minutieux et précis de cette dernière. Tout en se gardant bien de brandir des idéaux, le réalisateur, Jean-Paul Civeyrac, sait habilement faire apparaître le racisme le plus ordinaire, celui qui se remarque d'autant moins qu'il se cache derrière les meilleures intentions du monde. Les Staveney sont des bourgeois de gauche qui seraient pétrifiés d'horreur si on les accusait d'être racistes. Ils donnent l'impression d'être ouverts, accueillants, bienveillants, compatissants, généreux... Autant de qualités pour mieux dissimuler leurs réflexes hautains et, au fond, méprisants. Derrière leurs belles paroles et leurs grandes déclarations, y a-t-il une once de réelle tendresse pour Victoria?
Sorti le 31 décembre sur les écrans, il serait dommage que ce film excellemment réalisé, à la fois tragique et extrêmement touchant, passe inaperçu! Courez le voir! 8,5/10