Baran a combattu pour libérer son pays, le Kurdistan irakien, dès l'âge de 15 ans, et n'a jamais connu que le métier des armes. La constitution irakienne de 2005 voit la région érigée en entité fédérale autonome par rapport à Bagdad (forte de plus de 5 millions d'habitants, elle a son propre drapeau, sa propre langue...). La mère du trentenaire veut le marier. Pas du tout séduit par les candidates qui défilent, le peshmerga "rempile", et est envoyé dans une vallée reculée, à la frontière turque - qu'on ne rejoint plus qu'à pied, ou au mieux à cheval, car l'unique pont routier en assurant l'accès a été détruit par les Turcs, pendant la Troisième guerre du Golfe. Il a le titre ronflant de "commandant", mais n'a qu'un adjoint à disposition, Reber, et un local de police ouvert à tous les vents. Govend (rôle assuré par l'Iranienne Golshifteh Farahani - "A propos d'Elly", "Syngué Sabour" - aujourd'hui naturalisée française) a 28 ans. Seule fille d'une fratrie de 7 enfants, elle a étudié de longues années, est francophile (elle écoute un moment "La Chanson des Blés d'or"), et est institutrice dans le même coin perdu. Par vocation - et aussi pour échapper aux pressions familiales à propos de son mariage. Le spectateur songe d'emblée à une "romance" entre ces deux-là, aux caractères bien trempés, et si attachants - lui qui veut faire triompher la loi, elle qui veut que soient instruits tous les enfants. Mais le chemin menant à l'amour est peuplé d'embûches - les préjugés culturels d'abord, mais aussi une sécurité publique très obérée, entre les exactions d'une sorte de potentat local (mi-seigneur de la guerre, mi-mafieux), et de ses troupes, et divers incidents de frontière, avec le Kurdistan turc. "My sweet Pepper Land" (du nom de l'auberge locale) est un film singulier, et emballant (par un Kurde irakien, naturalisé français, Hiner Saleem), dont la dramaturgie fait irrésistiblement penser aux temps héroïques du far-west. Beaucoup y est : la nature, somptueuse et austère (les paysages kurdes sont superbement filmés), le "shérif", les méchants, la justice gangrenée, les chevaux (ici plutôt étiques et ombrageux), les armes dont on ne se sépare jamais (des "kalachs" surtout, évidemment), une contrée encore à l'écart de tout développement... Le prologue est même une scène (tragi-comique) d'exécution capitale, expéditive. Mais pas de femmes au "Pepper Land", qui n'a rien d'un saloon, ou même dans les rues défoncées du village - on ne voit à l'écran que des hommes, barbus (ou moustachus) et farouches. Govend mise à part, la "rebelle", il y a quand même quelques jeunes femmes : des combattantes, du Kurdistan turc, pour lesquelles le maquis est un espace de liberté... On est dans un "eastern", et non un western - dont les malfrats ressemblent beaucoup à des Indiens, mais des Indiens du sous-continent, avec l'emphase gestuelle ad hoc ! On rit, on vibre aux combats des deux héros, on admire la majesté des lieux, on s'inquiète, on s'insurge, on espère.... Un film très tonique, au final.