Bodybuilder est le troisième long métrage de Roschdy Zem, après Mauvaise Foi en 2006 et Omar m’a Tuer en 2011. Il s’inspire ici du documentaire canadien The Bodybuilder and I, de Bryan Friedman, sorti il y a 7 ans. Et pour incarner Vincent, le réalisateur va puiser directement à la source des salles de gym, puisqu’il a engagé Yolin François Gauvin, un culturiste, un vrai – et champion du monde de sa discipline en 2008 (quand même !).
Pour la petite histoire, c’était Antoine de Caunes qui était pressenti pour le rôle du bodybuilder, mais il a décliné l’offre pour des raisons de planning surchargé. Toujours est-il que Yolin François Gauvin, taillé sur mesure pour le personnage, s’en sort à merveille. Une présence discrète mais marquant suffisamment les esprits et l’écran et pas seulement grâce à ses muscles. Face aux talentueux Vincent Rottiers, Marina Fois (100% Cachemire, La Ritournelle) et Roschdy Zem, il ne démérite pas. Et il s’impose comme une vraie « gueule » du cinéma français. Comme son personnage, il a deux fils et sa propre salle de gym, où il a sorti pas mal de gosses « de la mouise », comme il l’a confié à un journaliste du Parisien. Ici, le gosse déboussolé est poursuivi par ses embrouilles de cité et pour y échapper, il doit changer complètement d’univers. Il entre brutalement en contact avec le culturisme, une discipline et un mode de vie qu’il ne connaît et ne comprend pas et aussi avec un père taciturne qui se nourrit 8 fois par jour de gélules, d’œufs et de blanc de poulet, qui hésite à choisir Eye of The Tiger comme chanson de présentation, et tente de faire vivre sa salle de sport. Un véritable choc des cultures entre deux êtres pourtant si proches. Un père et son fils réapprennent à se connaître : la trame est ultra – classique. Grâce au talent du réalisateur et des interprètes, on va pouvoir atteindre le niveau supérieur.
Bodybuilder au grand cœur
Ce monde du culturisme, Roschdy Zem l’aborde avec une grande sensibilité, sans jugement ni moqueries et loin des clichés. Pas de grand déballage de pectoraux ! Sa caméra discrète nous ouvre les portes du bodybuilding, discipline ciné-génique et finalement peu connue, au plus près du réel : régimes drastiques, préparation des championnats et humeurs massacrantes des sportifs en période de « sèche », tout y est. Antoine va aborder l’univers de son père avec étonnement puis avec respect. L’acceptation est progressive, pour l’un comme pour l’autre d’ailleurs. Rien ne se fait comme par magie et c’est ce qui fait la force du film de Zem. Bodybuilder colle au réel, aux vraies personnes et aux luttes quotidiennes, sans tapage et sans outrance. La relation père – fils est la partie la plus réussie de cette comédie dramatique qui oscille toujours entre les deux vies d’Antoine. Ses ennuis avec les petits caïds manquent un peu de piquant et on ne sent que très rarement le danger qu’il court. Au final, Bodybuilder est un film touchant, sobre et bien écrit, et qui pose un œil bienveillant sur le culturisme, les salles de sport et les retrouvailles familiales. A ce jour, sans doute le meilleur film de Roschdy Zem.