Leigh Whannell cherche à instituer une véritable mythologie autour de son personnage pivot campé par la fabuleuse Lin Shaye, tout en essayant de le démystifier : il prend à contrepied son spectateur de la première heure en propulsant le récit à aller côtoyer ses origines. Et lorsqu'il s'y attèle, il le fait agréablement bien ! Se faisant, il apporte plus de sensibilité à l'ensemble qui, malheureusement, sera parasité par un scénario qui semble tout le temps revenir sur ses pas. Et fait parfois passer son personnage joker (Elise) pour un guignol. Ce qui va catapulter la crédibilité du spectateur à aller faire un tour au bistrot de café du coin.
Certes, Leigh Whannell sait véritablement instaurer l'angoisse comme son prédécesseur, et il n'hésite pas à employer les mêmes ingrédients qu'il distille dans une ambiance toujours fidèle aux sources. Mais en voulant trop miser sur les jump scares, il va désamorcer littéralement ce qu'il faisait en amont.
Jouant habillement sur les codes auxquels on reconnaît le processus menant à la possession que l'ingéniosité du réalisateur parvient à déguiser "confusément" dans des couches de fantaisies empruntées au génie de son acolyte. Leigh Whannell passe du simple statut de scénariste à un réalisateur d'épouvante savant très bien élaboré des stratégies pour maintenir la fidélité du spectateur.
Et d'ailleurs, l'idée que James Wan soit toujours derrière la production de ce nouveau chapitre n'est pas anodin, car voyant en Whannell un bon faiseur qui sait comment gérer les attentes en sus d'apporter un vent de fraîcheur qui va délocaliser la vision de l'œuvre de sa zone d'enracinement instaurée par son modèle.
Étant lui même concepteur d'idées tout comme Wan, Leigh Whannell entreprendra à faire de cet nouvel épisode (qui d'ailleurs - pour ma part, ne devait même pas s'appeler "Insidious : Chapitre 3, mais Insidious : Origines) un retour aux sources afin d'apporter plus de clarté à ses prémisses de base. Son scénario obéit à un besoin immédiat d'apporter des réponses aux interrogations laissées en suspens par le premier chapitre à l'endroit du spectateur, et s'appuiera sur une révélation qui va malheureusement parasiter la progression psychologique du personnage de Lin Shaye prisonnière d'une forme de monotonie théâtrale qui gâche par moment la crédibilité des enjeux. Un tour de force mineur (de la part de son scénariste) pour introduire le personnage de Steve Coulter qui a servit de "relayeur" à Elise au chapitre précédent, et l'occasion de permettre aux deux chasseurs de fantômes (Specs et Tucker) de se greffer dans la partie par l'intermédiaire du jeune Brenner.
Après la rencontre du trio chasseurs de fantômes sagement élaborée pour des besoins scénaristiques évidents, "Insidious : Chapitre 3" ne va se démarquer que légèrement des deux premiers volets pour les effusions d'effets qu'il propose.
Pour une "dernière" rencontre qui oppose Elise à "la dame" habillée en robe noire, se fut rapidement expédié par Whannell (sans doute par manque d'intérêt/ambitions). Comme si le scénariste aurait in-volontairement fait jaillir de son subconscient (vu la manière assez guignolesque dont Elise s'est débarrassée de la méchante "dame" de cantine) un langage caché, voire une pulsion nerveuse qui répudie l'idée inconsciente (avec un soupçon de sentiment fatidique d'un ouf ! Salvateur) d'avoir colporté une telle charge/nécessité (un fardeau pour ainsi dire) dans tout le scénario, dont il ne se défait que passablement. Parce que s'il n'y avait pas cette double dramaturgie construite au cœur du personnage de Lin Shaye (Elise) - elle qui n'a visiblement pas réussi à surmonter le deuil de son mari, en plus du fait qu'elle soit accablé de doutes quant à l'avenir de sa profession (en tant que médium) parce qu'une force "re-doutable" des ténèbres s'acharne contre elle, l'obligeant chaque fois à se retrousser de ce triste sort dès qu'elle tente de venir en aide à son jeune amie Quinn : nous pensons honnêtement que sans ses éléments dramatiques fondamentaux qui jalonnent tout le récit, mis à part celui autour du personnage central campé par la jeune et convaincante Stefanie Scott, y aurait même pas d'"Insidious : Chapitre 3". Et nous voyons oh ! Combien son scénariste s'est joué de nous, en prenant comme outils de base le second élément dramatique énuméré si haut, qu'il va malheureusement "saborder" au final, laissant au passage un arrière goût à l'égard du spectateur. Et retenez vous bien ! C'est dans ce même élément dramatique que contient toute la vitalité du scénario : il constitue pour ainsi dire la force et la faiblesse du récit. Rappelez-vous le nombre de fois qu'Elise est revenue sur ses pas avant de trouver la rédemption épaulé psychologiquement par son ami de longue date, pour pouvoir enfin venir à bout (avec des guillemets) de cette fâcheuse "dame" maléfique qui rôde dans les lieux sombres du Lointain ?
En fait, nous aimerions presque dire que cela n'aura servi qu'à un vulgaire prétexte pour maintenir un(e) certain(e) continuité/équilibre pour l'ensemble, afin d'éviter le vide sidéral auquel nous serions confronté. D'ailleurs on reconnaît à Whannell cette fâcheuse tendance à toujours trouver les idées justes - assez intéressantes sur le papier, mais qu'il préfère sacrifier littéralement au final. Comme s'il n'éprouvait aucun amour propre pour sa création...
La dramaturgie mise au cœur du personnage de Lin Shaye n'aura servit qu'à distraire le spectateur, parce qu'elle occupe une place primordiale dans le récit, qu'elle crée une certaine attente chez le spectateur - quant à son aboutissement, que ce dernier aurait préféré que sa patience soit juste récompensé par une touche finale qui lui aurait donné raison dans ses attentes. Sans oublier ce soupçon de "sadomasochisme" canalisé qu'il laisse in-volontairement transparaître dans sa création.
Mais quand on jouit d'une certaine réputation au côté de James Wan, car étant un bon expérimentateur dans le domaine, on se voit accordé pleine de tâches.
Finalement, "Insidious : Chapitre 3", malgré sa dualité conceptuelle construite autour du paranormal conjugué à la possession, ne nous aura pas déplu pour autant. Se classant comme un préquel aux deux premiers chapitres, il nous fait bénéficier de sa générosité en terme de nouveauté visuel (qui ressemble quelque fois au cinéma d'épouvante japonais) et d'idées du moins convenues qui viennent se greffer encore une fois (pour des besoins évidents) dans cette saga déjà établie.