Cinq ans après le dernier volet des aventures du petit sorcier aux lunettes rondes qui ont rapporté plus de 7.7 milliards de dollars à travers la planète, il était quasiment impossible pour les producteurs "serpentarollywoodiens" de ne pas envisager ressusciter le monde magique imaginée par J.K. Rowling sur grand écran. C'est donc chose faite avec ce premier épisode des "Animaux Fantastiques" (on est parti pour 5 films quand même !), une extention à l'univers magique de l'écrivain -il ne faut surtout pas dire "spin-off" ou "prequel", ce sont des gros mots commerciaux apparemment- qui suit le destin de Norbert Dragonneau, un sorcier qui a écrit un manuel, "Vie et Habitat des Animaux Fantastiques", étudié par les petites têtes blondes de Poudlard et que J.K. Rowling avait publié à des fins caritatives peu de temps avant la première adaptation d'"Harry Potter".
Avec la vie de ce personnage, nous voilà donc plongés dans des évènements bien antérieurs à la précédente saga (on est en 1926, soit quelques temps avant la naissance d'un type dont on ne devra pas prononcer le nom) où Norbert explore le monde pour recueillir un maximum d'informations sur les créatures fantastiques qui y vivent. Seulement, lors d'un détour par New York, certains de ces animaux s'échappent de sa valise et, comme le ministère de la magie américain (le MACUSA) interdit d'introduire ces bestioles sur le territoire US, il va donc s'attirer tout un tas d'embrouilles dans un contexte politique particulièrement tendu entre les moldus que nous sommes et les sorciers.
On pouvait douter. Se dire que cette expansion d'un univers qui a marqué toute une génération n'allait exister que pour faire vibrer une certaine corde nostalgique synonyme d'un maximum de dollars dans le tiroir-caisse comme l'on fait tant d'autres auparavant... Que nenni ! David Yates et J.K. Rowling ont tout simplement décidé de nous administrer une superbe coup de baguette magique derrière le crâne pour faire taire nos appréhensions et délivrent ce qui restera comme un des meilleurs (LE meilleur ?) blockbusters de l'année 2016 !
En effet, "Les Animaux Fantastiques" réussit le tour de force de s'imprégner de l'univers Harry Potter (les clins d'oeil y sont nombreux mais sans perdre les néophytes) tout en s'en éloignant suffisamment pour mieux créer le sien, passionnant, dans des tonalités où se conjuguent le merveilleux et des thématiques étonnamment sombres.
Levant le voile sur tout un pan d'une mythologie déjà très riche, J.K. Rowling adopte une optique résolument plus adulte (pas bête en même temps, le public a grandi) qui renvoie intelligemment autant au contexte d'entre-deux guerres qu'à nos problématiques actuelles : la nécessaire protection d'un éco-système menacée, bien sûr, à travers la quête de Norbert, mais aussi la montée en puissance des persécutions contres les minorités, les groupes extrémistes cherchant une influence médiatique, un futur candidat à la présidentielle haineux...
Brillament intégrée dans un récit rempli de surprises, cette approche plus mature se traduit aussi, bien évidemment, dans son groupe de héros, des jeunes adultes dont la complexité émane par leurs traits de personnalité, leurs conditions ou encore leurs convictions. La petite bande est donc menée par Norbert, un personnage peu conventionnel et immédiatement attachant qui trouve une incarnation parfaite dans la grande silhouette déguingandée et timide d'Eddie Redmayne (le meilleur des choix possibles), son comparse moldu, interprété par le pourtant d'habitude pas très subtil Dan Fogler, constitue son pendant comique et maladroit parfait, les deux dévoilant ainsi un peu plus de leurs personnalités à chacune de leurs interactions grandissantes d'amitié. À leurs côtés, un duo de soeurs (Katherine Waterston et Alison Sudol, aussi superbes que prometteuses) aux caractères antagonistes qui apportent une dose de féminisme bienvenue grâce à leur force de caractère.
La rencontre de ce quatuor improbable autour de l'incident de la valise de Norbert n'est donc qu'un rouage d'une guerre aux enjeux bien plus immenses. Certains ne sont d'ailleurs là que pour annoncer des événements futurs de la saga (les apparitions de Jon Voight) mais ceux qui constituent le coeur du film s'avèrent déjà suffisamment passionnants à suivre pour dépasser le stade de simple background prétexte à une origin story, notamment dans les ressorts de la jolie dynamique alambiquée entre un Ezra Miller torturé et un grand méchant Colin Farrell (néanmoins, petit point faible, ce dernier rappelle un peu trop une version simpliste du personnage de Magnéto des X-Men dans son combat malgré une excellente surprise en bout de course).
Et, puis surtout, "Les Animaux Fantastiques" nous émerveille. Vraiment. Incontestablement. Avec une 3D superbement utilisée.
Alors qu'on l'avait souvent accusé de peiner à imposer un véritable style à ses volets d'Harry Potter, David Yates lâche clairement la bride et s'éclate comme un gosse avec ce bestiaire impressionnant, bourré d'imagination visuelle et prétexte à tous les morceaux de bravoures possibles pour nous en mettre plein la vue au coeur d'un New York magiquement "steampunké" pour l'occasion ou au fin fond d'une valise dont le contenu ne cesse de nous surprendre par sa créativité et son humour. C'est un véritable régal pour les yeux du gamin qui sommeille en chacun de nous, tout heureux qu'il est d'être convoqué pour découvrir un univers d'une générosité incroyable après avoir été tant de fois déçu par ce genre de blockbusters ces dernières années.
Cinq volets, vous dites ? On accepte de suite s'ils sont de la même qualité que celui-là ! L'envie de retrouver Eddie Redmayne et ses animaux fantastiques dans un film qu'il l'est tout autant ne peut que nous faire saliver.