Film d’une grande sobriété et d’économie de paroles. La lenteur ne m’a pas dérangé, elle s’inscrit naturellement dans le récit qui nous est conté ; lenteur qui s’inscrit dans le couvent ou chaque geste est conscient ; lenteur qui s’inscrit dans une Pologne des années 60 sous tutelle soviétique ; une lenteur qui s’inscrit dans la solitude de Wanda Cruz, la tante d’Ida ; lenteur qui s’inscrit dans une « Pologne omerta » peu fière de son anti-sémitisme ; lenteur qui s’inscrit plus que jamais dans les deuils : le deuil de ses proches, le deuil de son passé, le deuil des plaisirs à peine goûtés. Ida, jeune femme, découvre sa judéité alors qu’elle va prononcer ses voeux pour devenir serviteur de Jésus. La encore, comment ne pas prendre son temps ? Le temps de digérer la révélation de ses origines, le temps de la réflexion, le temps de la recherche dans une Pologne austère, grisonnante, froide, enneigée. Recherche de son passé, recherche de son identité. Voyage initiatique aux côtés de sa tante, juive assumée, à la vie délurée mais ô combien triste, noyée dans les artifices de l’alcool, du tabac, des rencontres d’un soir, et jamais remise d’un secret terrifiant qui la mine et qui trouvera son terme avec Ida. Film au noir et blanc éclairé, feutré, au format carré judicieux comme pour ancrer réellement le film dans les années 60. Enfin, les deux actrices, deux Agata, Kulesza Wanda Cruz, la tante, chevronnée, et Trzebuchowska, Ida, la toute débutante, elles sont attachantes. Agata Trzebuchowska est à l’image de son personnage, Ida ; voilà une jeune femme qui accepte le plaisir de toucher au cinéma rien que pour ce rôle ; il est raconté qu’elle ne veut pas continuer. Expérience réussie. Comme Ida qui va goûter au moins une fois aux petits plaisirs "des mortels" comme l’alcool, fumer une cigarette, danser, faire l’amour avant de se retirer une bonne fois pour toute dans son couvent.