A peu de chose près inqualifiable, à tel point les références, les partis pris du réalisateur, sont variables, Cold in July est de ces films qui interrogent, qui peuvent laisser perplexe. Jim Mickle, metteur en scène dont voici le quatrième long-métrage, s’appuie sur un récit de Joe R. Landsdale, romancier texan polyvalent, adapte à la fois de la littérature policière et de celle, plus spécialisé, de la science-fiction. Pour ce qui concerne Cold in July, en parlant du livre comme du film, voyons plutôt ça comme du Larry Brown sous acide, du romain noir sudiste anticonformiste, portrait souvent graveleux mais parfois passionnants des populations rurales des états du sud des USA. Alors que tout commence sobrement, une malencontreuse visite inamicale, un mort par balle, une vengeance qui s’amorce, puis le revirement de situation. D’un instant à l’autre, le polar traditionnel laisse sa place à un film crument déshumanisé, film de morts et autres mandales, entre près et fils, entres inconnus. Si l’on serait tenté de saluer cette prise de risque narrative, le nihilisme quasi absent ne permet pas la totale adhésion.
L’amorce conventionnelle bascule très vite vers une incontrôlable vendetta, motivée par l’ignominie de certaines vidéos, productions maisons d’une petite bande d’aficionados du Snuff Movie. Préservé de toutes punitions car dans les petits papiers des fédéraux, un certain fiston, bavard sur les activités du crime organisé, s’en donne à cœur joie dans des petits jeux de massacre. Ce qui ne plaît pas à son papounet et à sa bande improbable de justicier reconvertis. D’un fait divers dramatique mais tout-à-fait rationnel en regard à la culture sudiste, le personnage de Michael C. Hall, pivot du long-métrage, passe du côté obscur de la force, se lançant sur les traces d’on ne sait trop quoi en compagnie d’acolytes pour le moins douteux. L’acteur, le plus jeune du lot, remarqué, et pas des moindres, pour ses huit années consécutives dans la peau d’un certain Dexter, fait un retour remarqué sur le grand écran, impeccable dans la peau du gentil méchant. Tout ce passe bien, là aussi, en ce qui concerne le ténébreux vétéran, Sam Shepard, solide gaillard pas bien moral mais captivant de charisme. Là où les choses déraillent quelque peu, c’est lorsqu’apparaît le personnage d’un autre drôle d’acteur, Don Johnson. Ce dernier, caricature du texan fier de son statut, fait basculer le film du drame sérieux à la comédie noir un brin déstructurée.
Inqualifiable, donc, que ce Cold in July, d’autant que le réalisateur semble être resté coincé dans les années 80 pour ce qui est de sa vision d’une bande originale. En effet, parfois assourdissante, notamment en première partie du film, la BO, composée presque essentiellement de flottements électroniques façon 1984 et suivantes, ne cadre pas toujours avec le propos. Oui, une petite histoire de meurtre dans un Texas rural sur les airs de la BO du premier Terminator, cela semble franchement bizarre. Passons. Jim Mickle, ultra référencé et se prenant sans doute pour le nouveau petit génie de l’anticonformisme, manque également quelques-unes de ses séquences d’action, notamment lors du dernier acte. Beaucoup d’idées semblent germer dans l’esprit du réalisateur, mais celui-ci ne semble pas en mesure de leur donner corps à toutes.
On s’merveille parfois d’une certaine folie pour se renfrogner face à l’amateurisme de la séquence qui suit. Oui, au-delà de son ton résolument ‘’je-m’en-foutiste’’ sur le plan moral et narratif, Cold in July est aussi inégal, bien trop inégal. N’assument pas toujours techniquement les scènes qu’il dirige, le metteur en scène fait des choix douteux en termes de musique et manque un peu son final. Que de défauts, me direz-vous. Sans doute, mais le film, présenté à quelques occasions parmi des festivals, en 2014, mérite tout de même que l’on s’y attarde deux petites heures. 10/20