Il est des coups de coeur que l'on explique avec peine. "Mr. Holmes" n'en fait pas partie. Je sais ce qui m'y plait, autant que j'ai conscience des défauts qui le plombent quelque peu. Pas le chef-d'oeuvre que certains attendent, ce métrage se révèle cependant être une petite perle de tristesse et d'émotions non refoulées. Bon, c'est pas non plus la rivière de "Ghost", mais le tout est particulièrement pessimiste et bien foutu. Premièrement, son rythme lent pourra surprendre; je comprendrai facilement qu'il vous rebute un maximum, mais il m'a personnellement plu. C'est surtout que le tout ne pouvait avoir un rythme effréné; "Mr. Holmes" est un film que l'on suit avec lenteur et gravité, avec appui et grande peine; oui, c'est triste, sans réel espoir, à la fois long mais bref. "Mr. Holmes", c'est une métaphore sur la vie en attente de la mort, sur toutes ces personnes dont la vie est passée, qui avancent vers la fin de leurs temps tout en peinant à se souvenir de leurs propres souvenirs. L'on dit que la vie sert à se faire des souvenirs; à quoi servirait-il donc de vivre si notre mémoire nous abandonnait lâchement sur terre, seuls au monde, sans rien d'autre que notre propre malheur? Empêchez l'homme de se souvenir de sa vie, de ses amours et de ses passions, de ses espoirs comme de ses peines, et vous lui retirerez toute persévérance, tout espoir d'être homme encore quelques temps. En somme, vous l'empêcherez de vivre. En soit, ce film traite de ces thèmes avec brio au travers d'une figure mythique. Il s'agira donc de suivre la lente déchéance d'une icône de la classe anglaise, d'un héros des temps anciens que les jeunes d'aujourd'hui semblent avoir oublié. Devant Sherlock Holmes, Blake et Mortimer, Tintin et ses mythiques compères d'aventures, l'oubli semble la meilleure des résolutions pour une génération de jeunes gens bien plus préoccupés par leurs tablettes numériques et physiques que par des figures d'espoir et de volonté. Les héros des parents deviennent l'ignorance de leurs enfants. Les gens changent avec le temps; encore un thème rebattu par un métrage qui sait ce dont il parle. Mycroft Holmes, Watson, Sherlock, leur vie a changé depuis leur âge d'or, au point d'en disparaître complètement. Et cela, voyez-vous, te filerai un coup de vieux à un type de 18 piges comme moi; les figures de ton enfance sont détruites par le temps, te rappelant l'inévitable destin de l'homme. Même tes idoles se meurent avec le temps, alors crois pas passer entre les filets de la grande faucheuse; les vampires y passent aussi, ainsi que les mythiques créatures des religions polythéistes. C'est un fait, tu mourras un jour.Un rappel glaçant interprété par un Ian McKellen qui y va dans le pathos le plus efficace; son jeu, tristement réaliste, décuple l'immersion d'une oeuvre lancinante, profondément mélancolique, tristement nostalgique; se souvenir de souvenirs oubliés, telle est la tâche qui lui incombe. Déchirant plus d'une fois, terrible dans sa sénilité dépressive, il plombera l'humeur du plus enthousiaste des bipolaires. Certes, c'est pas parfait; les deux enquêtes manquent peut-être d'un poil d'utilité, et le rythme plutôt lent ne plaira pas à tout le monde, comme je l'ai précédemment évoqué. Néanmoins, c'est cette lenteur qui le rend si terrible, désespérant, attristant jusque dans sa conclusion maligne évitant les pièges du pathos le plus basique, et du contre happy-end le plus simple. Un vrai coup de coeur. Atypique, profonde et réfléchie, une oeuvre très aboutie.