J'aime beaucoup James Gray, que j'avais découvert au cinéma avec le génial We own the night et j'en ai loupé aucun par la suite, tout en rattrapant son début de carrière et seul The Immigrant m'a légèrement déçu.
Ici il s'éloigne de tout ce qui a fait son succès jusque-là, que ce soit dans le style mais aussi dans le contexte où New-York n'est plus son terrain de jeu pour la première fois de sa carrière. En nous emmenant, en partie, dans la forêt amazonienne pour y suivre une quête semblant mystique, il se rapproche, du moins dans les mémoires collectives, d'un Apocalypse Now ou Aguirre.
Scénarisant lui-même The Lost City of Z, il nous entraîne dans une aventure aussi palpitante que passionnante, nous immergeant au cœur de ces mystères et découvertes et surtout, sachant nous faire ressentir les mêmes sensations que le protagoniste. De l'excitation à la peur en passant par la déception ou l'envie de découvrir divers secrets, on est régulièrement au cœur du film et de sa vie, et face à l'inconnu, aussi fascinant et puissant émotionnellement qu'il peut l'être.
La force du film se trouve notamment dans la façon dont la forêt et la fameuse cité de Z ne sont pas forcément les lieux les plus présents, bien que ça reste un protagoniste à par entière, notamment lorsqu'elles sont évoquées par Percy Fawcett. Gray va s'intéresser à sa vie de famille, ses sacrifices pour sa quête, sa vision de l'honneur ou encore ses rapports avec la hiérarchie, et il arrive à instaurer des vraies moments de vies, sonnants justes et sachant révéler une émotion à laquelle on ne s'attendait pas forcément, à l'image des premières scènes de bals rappelant le remarquable Guerre et Paix soviétique.
Il montre une réelle science du montage, sachant alterner entre ses explorations et son retour en terre britannique, ou même l’évocation de la Première Guerre mondiale qu'il filme à la manière de Ford, c'est dire si c'est brillant. Il sublime les personnages sachant les rendre crédible et en faire ressortir autant de sincérité que d'émotion, tout le long du film on croit en leurs actes, et il démontre autant d'intelligence que de justesse dans leurs traitements.
Chaque plan est savamment pensé, tout semble parfait à l'image de ses mouvements de caméra, la sublime photographie ou encore la direction d'acteurs (tous sont remarquables), et l'ambiance alterne entre un certain lyrisme lors de quelques passages britanniques, ou justement plus sombre et intrigante lorsqu'il cherche la citée perdue. La reconstitution est assez bluffante, il la sublime pour mieux nous immerger au cœur du récit.
Ce qui marque aussi dans The Lost City of Z, et on retrouve cet aspect-là dans l'ensemble de sa filmographie, c'est la façon dont il capte et étudie la nature humaine (sans aucune lourdeur), ici centré sur l'obsession de Fawcett, quitte à sacrifier son couple et l'éducation de ses enfants. Le metteur en scène de The Yards insiste notamment sur l'incompréhension entre lui et sa famille à chacun de ses retours ou encore ses remords.
Et encore une fois, quelle beauté picturale ! Il nous fait ressentir au côté des protagonistes et toutes les reconstitutions, que ce soit dans la haute société anglaise ou au fin fond de l’Amazonie, sont grandioses. Sa fresque va aussi mettre en avant ce que sont quelques moments de bonheurs dans une vie, ou encore la sensation de temps qui passe, Gray sachant retranscrire des époques et événements qui sont déjà passionnants à la base, alors que la dernière partie évoque justement la transmission, le passage d'une génération à une autre, et de se laisser emporter par ses rêves et croyances.
En évoquant la vie de Percy Fawcett, James Gray quitte sa jungle urbaine new-yorkaise pour l’Amazonie, évoquant alors une quête folle et passionnante, qui sera réalisable au détriment de toute logique ou de sa famille. Une oeuvre hantée, surprenante et d'une beauté sidérante.