Le dernier film de Reitman Junior se voudrait une implacable radiographie des moeurs contemporaines à l'époque des sites de rencontres, de twitter, Facebook et autres technologies dont nos vies seraient dépendantes. Je dois confesser ici que le film m'a paru tellement mauvais durant ses trois premiers quarts d'heure que j'ai cru un instant qu'il était signé Jake Kasdan, dont le souvenir durable de Sextape m'épouvante encore. Comme je m'ennuyais beaucoup tout au long de la projection, je me suis demandé alors ce qui m'avait guidé dans cette salle, avant de réaliser mon erreur et que le metteur en scène qui enfonçait sous mes yeux incrédules des portes ouvertes sur la solitude 2.0, sur l'incommunicabilité, la pornographie triomphante et la déroute des sentiments, était le même réalisateur qui m'avait bouleversé avec son magnifique Labor day, sorti il y a peu chez nous, dans l'indifférence générale. Du coup j'ai repris un peu de courage et de patience (Y'-a t-il un film américain d'envergure de moins de 2 heures sur nos écrans depuis la rentrée?). Il allait bien subsister quelque chose de sa délicatesse, de cette manière si personnelle qu'il a de jouer avec les clichés pour mieux les subvertir...
Effectivement dans sa dernière demie heure, le film s'anime et émeut un peu, car il s'approche vraiment de la souffrance de ses personnages, il se pose un peu (se recentre sur une poignée de caractères) et l'émotion affleure, timide, sous les poncifs, le didactisme, l'interprétation terne et la forme ingrate du film. Mais il est trop tard, j'ai beau partagé le constat, la vision de notre époque, on est ici au cinéma (enfin si peu finalement) et ces conversations apprêtées (dieu que le film est bavard), ce scénario scolaire, ce filmage très prude, cette volonté de ne jamais empoigner la rudesse et la laideur de son sujet nous renseignent très vite sur l'inutilité du film. Heureusement il y a des grands comiques ou des grands amnésiques chez les critiques qui osent citer en référence le Altman de Short Cuts. Certains journalistes devraient apprendre le cinéma en voyant des films pas en faisant semblant d'en avoir entendu parler. Ils nous éviteraient bien des étranglements. J'ai vu Short cuts, il y a plus de 20 ans et les interprétations de Moore, Modine, Waits, Downey jr font encore partie de mon imaginaire. Voilà 5 jours que j'ai vu Men, women and children et je dois faire un effort pour citer plus de 2 interprétations qui ne soient pas, elles aussi, complètement "poncifiées".