Aaah, Lucky McKee…un réal qui n’a jamais cessé de me surprendre depuis que j’ai découvert son envoûtant "May". Après un sympathique passage par l’anthologie « Master of Horror » (le segment "Sick Girl") et un hommage sincère au cinéma de Dario Argento avec "The Woods", McKee avait frappé très fort avec son puissant et engagé "The Woman". Aujourd’hui, il revient en remakant sa toute première œuvre, "All Cheerleaders Die", mais en collaboration avec Chris Silverton, jeune réal qui s’est fait connaître de la pire façon (son premier film "I Know Who Killed Me" a remporté 7 trophées aiux Razzies Awards 2008 !!) avant d’être plébiscité par de nombreux festivals grâce à son deuxième essai ("The Host"). Alors que donne cette étonnante collaboration ? Et bien le résultat donne une bobine plutôt sympathique où chacun a pu s’exprimer sans phagocyter l’autre : si le côté « mecs qui font une connerie et qui décident de faire comme si de rien n’était » rappelle forcément le scénario de "The Host" de Silverton, le côté « féministe » du métrage est le reflet du travail de McKee depuis plusieurs films. Mais ce qui se démarque le plus de "All Cheerleaders Die", c’est cette volonté nostalgique et généreuse de ses deux géniteurs d’honorer le cinéma d’horreur des années 80/90. D’emblée, le film profite de la liberté artistique de ses auteurs pour se permettre un pied de nez au cinéma d’horreur moderne avec une introduction en found footage plutôt amusante qui nous permet de nous immerger dans l’ambiance directement et de nous prouver que le métrage sera décomplexé et totalement assumé au détour d’une fin de séquence sous forme de gag noir aussi surprenant que délicieux ! Puis nous assistons à la présentation assez cinglante des « forces » en vigueur : 01) les joueurs de football décérébrés, ultra virils et plus que machos. 02) les cheerleaders, sale pimbêches superficielles super bien foutues et imbues d’elles-mêmes. 03) la jeune fille un peu différente, timide légèrement gothique ésotérique. On assiste donc à une sorte de version trash et politiquement incorrect des innombrables séries télés pour adolescents type « Sauvés par le Gong », « Les Années Collège », « Angela, 15 Ans » ou « Hartley cœur à Vif » : on est plongé dans le monde adolescent américain au cœur du microcosme des collèges. Un univers certes codifié, mais imprégné de rivalités, jalousies et mesquineries qui résultent du passage de l’adolescence à l’âge adulte et des travers de ces deux périodes (amoralité juvénile d’un côté, violence assumée de l’autre). On nous démontre sans aucune compassion que garçons et filles ne sont plus des enfants et qu’ils ont déjà bien adopté la réalité de la vie : culte de l’apparence, luxure, humiliations, colère, tromperies, vengeance, insultes, misogynie, dénigrements, superficialité, coups fourrés...à croire que la perte de l’innocence fait obligatoirement de nous des monstres (idées soutenues par la dénomination continuelle dans le film des garçons et des filles par les mots « dogs » et « bitches »). Malgré tout, Lucy McKee continu une fois de plus à faire du cinéma féministe : même si elles sont jeunes, belles et prometteuses, les héroïnes du métrage ne vont pas être ménagées et en prendre plein la gueule !! Les cheerleaders sont présentées comme de banales pouffs aux corps de rêve dont elles sont fières et dont elles abusent. Elles ne sont pas tendres entre elles non plus (et c’est un euphémisme !) et s’il le faut, elles sont partisanes de l’adage « tous les coups sont permis ». Pourtant, elles ont aussi une âme cachée derrière cette façade artificielle : elles cachent des secrets (parfois lourds) et souffrent…mais ce côté « lumineux » de leur personne est vite passé à la trappe par la vision que les « dogs » ont d’elles : connes mais bonnes, elles ne sont que des outils servant à assouvir les besoins primaires des hommes ; pas besoin d’intelligence sauf celui de la cuisine et du ménage en fin de compte (le stéréotype est violent mais pas amené par hasard). Et c’est cette vision réductrice de la fille (doublée d’une opposition teintée de guerre des sexes) qui conduira au drame du récit…mais c’est par ce drame, et en invitant enfin le fantastique à prendre pied dans l’histoire, que McKee va permettre à ces héroïnes de se remettre en question vis-à-vis de leur statut de pom-pom girls et de finalement s’émanciper en leur permettant d’assouvir leur vengeance, faisant ainsi totalement basculer le rapport de force entre filles et garçons. Voilà une démarche aussi originale que bien amenée, d’autant plus qu’elle permet au film d’enfin se lâcher et de partir dans un trip mystico-horreur assez sympathique, où nous aurons notre quota d’effets spéciaux et gores (vous vous souvenez que j’avais parlé de « générosité » ?!) "All Cheerleaders Die" n’est donc pas le meilleur film de Lucky McKee (par contre, c’est bien le meilleur de Chris Silverton !!) c’est certain mais il demeure un très bon divertissement décomplexé avec une satire bien appuyée où les âmes des personnages sont bien moins belles que leur physique doublée d’une histoire de vengeance surnaturelle soignée « aux petits oignons ». Il est rare de voir un film américain où les auteurs ne sont pas castrés par leurs producteurs pour des raisons de rentabilité et ont une liberté totale sur leur film du début à la fin (d’ailleurs le plan final en est un très bon exemple : promesse jubilatoire d’une suite ou clin d’œil excellent au cinéma de genre ?). Rien que pour ça, "All Cheerleaders Die" mérite qu’on s’y intéresse.