« Une vie entre deux océans » est une très jolie romance dramatique. Le sujet, grave, est intelligemment mis en image par Dereck Cianfrance, un réalisateur américain de 40 ans. Le rythme du film, très justement dosé, nous permet de prendre le pouls, de nous poser aux côtés de Tom et Isabel. Le metteur en scène humanise ainsi chaque protagoniste, de l’enfant tant attendu aux différents adultes touchés par une douleur imprévue.
Tout au long du film, on évolue au plus près du quotidien de ce jeune couple, partageant leurs joies, leurs peines et appréhendant la psychologie de chacun d’eux. Si l’histoire a des airs de déjà vu (et est à certains moments un peu convenue), elle réussit le pari de nous emporter malgré tout. Par contre, malgré sa très jolie photographie et ses excellents comédiens on ne se laisse garde une petite distance face à certaines émotions et restons, par moment, extérieurs à l’histoire malgré toutes les qualités qu’elle recèle.
Le paysage désolé, l’isolement du phare sur cette île loin de tout dramatisent un peu plus l’histoire singulière des jeunes époux qui voient dans l’arrivée de cette enfant apportée par la mer, la possibilité de fonder enfin une famille. Et on le sait, le thème de la famille est cher au réalisateur.
Dereck Cianfrance, a déjà mis en scène cette thématique à travers deux autres longs métrages (le thriller « The place beyond the pines » en 2013 et la romance « Blue Valentine »), tous deux avec Ryan Gosling. Ici, il fait appel à un autre grand comédien de notre époque : Michael Fassbender. De « X-Men » à « Steve Jobs », l’acteur a déjà démontré qu’il savait se fondre dans des univers radicalement différents et le fait ici encore. Bientôt à l’affiche de « Alien : Covenant », « Assassin’s Creed » ou encore de « Weightless » de Terrence Mallick, le comédien enchaîne les tournages et les performances sans jamais décevoir son public. Marqué par la guerre, son personnage se retrouve gardien d’un phare et doit faire face à des états d’âme importants. L’acteur au parcours impressionnant sait tout faire et nous le prouve une fois encore avec ce rôle sensible et totalement assumé. Tiraillé par des non-dits, l’homme ressent une grande souffrance palpable tout en étant pudique, et doit faire face à des responsabilités qu’il ne peut qu’assumer. Le rôle de Tom sied comme un gant au comédien de talent et fera chavirer le cœur de bon nombre de spectateurs.
Alicia Vikander, elle aussi très sollicitée ces dernières années, se fondra prochainement dans la peau de Lara Croft. En attendant, elle s’investit dans des rôles délicats comme celui de Isabel, cette jeune femme qui espère être mère, mais que le destin décide de mettre à l’épreuve. La jolie suédoise qui nous avait déjà bluffé par sa sensibilité dans « Danish Girl » (pour lequel elle a obtenu l’Oscar du meilleur second rôle), sert ici encore des émotions fortes et touche le public en plein cœur. Ses bonheurs, sa détresse deviennent les nôtres et sa performance, louable, montre un investissement total et réaliste. Sa palette de rôles est si vaste que nous ne sommes assurément pas au bout de nos surprises…
Pour la jeune femme, chaque retour sur le continent est synonyme de désillusions, de bouleversements dans sa vie devenue enfin stable après une série de drames et qui a mis son couple à l’épreuve. Mais le poids de la culpabilité semble l’emporter sur la conscience de Tom et mettra à mal leur projet de bonheur entaché par un lourd secret. Le suspense est total, l’issue difficilement devinable et l’histoire agréable à suivre. Le couple Fassbender/Vikander est totalement crédible mais ce n’est pas étonnant car on nous souffle que depuis le tournage du film, le tandem à l’écran a, semble-t-il, décidé de l’être à la ville également !
A côté de ces deux figures fortes, une autre comédienne de renom, Rachel Weisz, plus discrète dans le film mais tout aussi performante. Veuve et dévastée par la perte de sa petite fille, elle n’a jamais cessé d’être en quête de vérité jusqu’au jour où le passé refait surface et qu’une lueur d’espoir brille dans son quotidien devenu triste et gris. Froide et distante dans un premier temps, elle fait siennes les épreuves de son personnage et évolue avec audace et brio, les traits marqués par le temps et les épreuves. Jamais véritablement absente des plateaux hollywoodiens, elle sait nous surprendre et nous offre ici un rôle mémorable et convaincant tant elle va loin dans l’émotion qu’elle nous procure.
La musique du talentueux Alexandre Desplat et la très jolie photographie (de Adam Arkapaw) subliment cette histoire basée sur le roman de M.L Stedman de bien belle façon. Le phare, lieu central de l’intrigue a une place de choix dans la mise en scène et dans le déroulement de l’histoire. Située sur l’île fictive de Janus Rock, il se situe en réalité en Nouvelle-Zélande et montre combien ces terres du Milieu ont encore de jolis recoins à offrir !
« Une vie entre deux océans » est donc un film qui compte en ce mois de novembre. Son interprétation exceptionnelle, sa photographie plaisante et son histoire prenante divertiront sans conteste les romantiques et adeptes de drames subtils. Touchant sans être larmoyant, le dernier film de Cianfrance vaut véritablement le détour.