Avec High Rise, Ben Weatley nous propose une descente aux enfers express dans la décadence la plus complète de l'Humanité.
Je dois avouer que je ne connais pas le réalisateur de High Rise, Ben Weatley. Je sais seulement qu'il a réalisé la huitième saison de docteur Who mais le reste de sa filmographie est assez pauvre et de qualité moyenne.
Je trouve néanmoins, de toute évidence à contre courant, que le film qu'il nous livre ici n'est pas très loin du chef d’œuvre. J'ai dit presque, un chef d'oeuvre. Car bien évidemment tout n'est pas parfait.
Tout d'abord au niveau du casting. J'aime beaucoup Tom Hiddleston car je trouve qu'il convient parfaitement aux rôles où la folie se doit d'être contenue sous un vernis de perfection et de froideur. Cela convient pour le rôle de Loki, cela convient aussi dans Crimson Pike. Cependant là, je crois qu'on atteint la limite de l'acteur pour l'instant. Car pour jouer Laing, le psychologue psychopathe de la Tour, il nous aurait fallu un Jack Nicholson. Jeremy Irons quant à lui dans le rôle de l'architecte est aussi un acteur que j'aime beaucoup mais qui pâtit à incarner son rôle de concepteur détruit par sa conception. Il y a donc déjà un problème au niveau sinon du casting, du moins au niveau du jeu des acteurs.
Du point de vue du tournage, il y a des hauts et il y a des bas. Certains plans sont complètement brouillons et on ne sait pas trop si il s'agit d'un parti pris du réalisateur ou si il s'agit d'une véritable maladresse. Toujours est-il que de temps en temps on ne comprend pas toujours ce qu'il se passe dans le fouillis de la décadence qui touche cette tour. Cependant, il arrive que la caméra touche des moments de grâce. C'est le cas lors du suicide d'un homme dont je ne citerais pas le nom. La caméra suit avec brio la chute au ralenti du malheureux décidé à en finir. En faisant l'alternance avec la soirée de débauche qui se produit quelques étages plus haut, ce moment de cinéma souligne avec brio le point de départ de la véritable folie de la Tour.
Ensuite lorsque Tom Hiddleston se rend à la soirée complètement décadente aux étages supérieurs, on a affaire à un beau plan séquence qui dure près de deux ou trois minutes qui fait le tour de la pièce et revient à l’ascenseur. Très beau.
Au niveau des décors. Là je trouve qu'il y a un hic. Je crois, mais je n'en suis pas sûr, que le réalisateur a imaginer sa Tour comme le Corbusier a imaginé sa Cité Radieuse à Marseille. Le Corbusier était un architecte plus ou moins révolutionnaire qui a sévi après la seconde guerre mondiale et qui avait été chargé de concevoir un nouveau modèle de bâtiment destiné à accueillir des familles. Ces immeubles contenait tout le confort nécessaire. Piscine, supermarché, hôtel, école, salle de sport. Ça vous rappelle quelque chose ;) ? Pour reprendre les terme de l'architecte du il voulait faire de ces bâtiments le creuset du changement. Et je trouve que là est le hic. Pour être aller dans un de ces bâtiments, je trouve que la réalité dépasse en terreur ce que j'ai pu voir dans le film. Quand je suis rentrer dans la Cité Radieuse j'avais vraiment l'impression de rentrer dans une maison de fou. Des couloirs larges et sans fins, du béton partout, des tapisseries infâmes aux murs, un restaurant kafaien avec un personnel mort né. Une horreur. Et je n'ai pas retrouvé cela ici.
Pour la musique. Je dois dire que je n'ai pas vraiment apprécier la musique qui je trouve était en parfait décalage avec l'esprit du film. Il s'agit peut être là encore d'un parti pris mais c'est clairement là un parti pris que je remet en question.
Au niveau du scénario, c'est là que je trouve que le film est le plus fort. Il s'agit d'une descente aux enfers collective dans une espèce de lutte des classes à l'échelle d'un immeuble. Mais je suis convaincu que cette lecture est trop simpliste et c'est pour cela que je ne comprends pas trop les critiques. Il s'agit pour moi de la Terre, ce complexe d'immeubles. Oui de la Terre. Quand l'architecte nous explique qu'il a prévu 5 Tours autour d'un lac artificiel ce qui dessinerait une sorte de main avec les 5 doigts et le lac qui serait la paume, je crois qu'il dit vrai. Mais ce que veux dire le réalisateur c'est que c'est là Terre que l'Humanité pense tenir dans sa paume. Et puis franchement 5 structures élevées disposées autour d'une étendue d'eau qui s'assèche, cela ne fait pas penser aux 5 continents disposés autour de l'Océan ? Tout le film montre la décadence d'une des Tours lorsque l'essentiel finit par disparaître. Cela commence par l'électricité, comprendre le pétrole, et cela empire jusqu'à ce que toutes les denrées alimentaires de base disparaissent. La nourriture, l'eau.
Et c'est là que la lutte des classes devient la plus féroce, et où la civilisation, ou l'apparente civilisation qui n'est que le vernis de la sauvagerie se déchire. Les classes dominantes, atteintes de la même folie que les classes inférieures ne pensent qu'à disposer des dernières ressources indispensables à la vie. Un dialogue hallucinant souligne en fait la spéculation féroce qui arrivera lorsque la nourriture viendra à manquer et l'accaparement de ces denrées par les plus puissants. Cependant, la crise allant plus avant les classes supérieures s'arc-boutent sur des denrées de plus en plus dénuées de valeur et s’enfoncent dans un jusqu’au boutisme délirant.
Les classes inférieures quant à elle son reconnaissables par leur vêtements, évidemment moins raffinés que les classes moyennes. On les reconnaît aussi par leur propension plus importante à faire des enfants. Je ne suis pas sûr qu'il y a un seul enfant dans les étages supérieurs, d'ailleurs un des moments clés de l'intrigue se fait autour de la piscine, qui est interdite aux enfants. On peut aussi voir un poster de Che Guevara dans un des appartements des étages les plus bas, et lorsque l'affrontement devient général entre les classes inférieures et supérieures, les « pauvres » tiennent des barricades. Le film souligne aussi l'incapacité des classes inférieures à s’organiser réellement pour détruire l'oligarchie, ce qui est un brin fataliste vous en conviendrez.
Mais pendant que les humains s'écharpent, c'est le système tout entier, c'est à dire la Tour, qui s'effondre, car elle a atteint sa limite à rendre possible le bonheur des hommes qu'elle contient. Il ne s'agit ni plus ni moins que de la métaphore de notre système capitaliste, qui, quand il aura détruit toutes les ressources naturelles et indispensables aura atteint sa limite à nous offrir une illusion de bonheur. Et dans ce bateau ivre qu'est notre système capitaliste et consumériste nous y sommes tous. C'est pourquoi les personnes ne quittent jamais la Tour. Le Système est la seule chose qu'ils connaissent. C'est le monde entier qui est comme cela, et pas seulement la Tour. Le monde extérieurs où travaille Lengh n'est que la projection des étages de la Tour dans le monde réel.
Ce film en résumé, si il a beaucoup de défaut possède un des scénario les plus badants, et les plus malsains que j'ai pu voir depuis un bout de temps. Si il avait bénéficié de tout les petits détails que j'ai souligné, il serait devenu un monstre du cinéma. Un genre de classique intemporel qui nous choque et nous empêche de dormir. Personnellement j'ai bien eu du mal à trouver le sommeil, mais heureusement, quand on a pas sommeil, on peut regarder un film.