« Une belle fin » pour qui ? Film qui ne paie pas de mine comme à l’image de John May ; fonctionnaire transparent, maniaque comme dans sa vie privée, il a pour mission de dégoter les proches ou la famille d’un ou d’une défunte pour les prévenir dans un premier temps et les inviter à assister aux funérailles dans un second temps. Malheureusement, soit il ne trouve aucune des connaissances qui aurait un rapport avec la personne décédée, soit la connaissance refuse d’assister à l’enterrement. Alors John May, dans les deux cas, rédige une ode funéraire avec le peu d’éléments qu’il récupère après avoir visité les lieux : un rouge à lèvres, un collier etc… Il assiste seul à l’enterrement. Il trouve même une musique qui pourrait illustrer le portrait du mourant. John May s’implique dans sa fonction avec un regard emprunt de sagesse, de retenue. On ne perçoit aucun jugement envers les connaissances qui refusent de se rendre à l’enterrement. Il semble comprendre les arguments, violents parfois, de ceux qui déclinent l’invitation ; il ne cherche pas à les convaincre davantage, il s’efface. Parce que John May est une personne effacée par nature. John May c’est Eddie Marsan, acteur anglais de seconds rôles, porte le film à lui seul, il est pratiquement à tous les plans. La mise en scène est sobre, efficace, avec plans immobiles comme pour traduire la vie de John May. Une vie cadrée, précautionneuse, sans la moindre fantaisie, statique, disciplinée. Peu de dialogue. Là encore, c’est subtile ; John May est seul dans son bureau au sous-sol, seul dans son appartement, seul aux funérailles. Quand il parle, c’est avec une économie de mots. Il lui arrive de sourire, mais ce sont des ébauches, des esquisses. Et le premier large sourire qu'il nous est donné de voir est à l’adresse d’un chien qui le fixe ! Sourire aussitôt effacé. J’en souris d’empathie. Au gris de sa vie, vie vestimentaire aussi, il va peu à peu apporter de la couleur et de l’audace grâce à une rencontre. Il tombe la cravate pour un pull bleu, il pisse sur la voiture de son employeur qui l’a licencié. Et cette audace va le conduire à sortir du cadre lequel lui sera fatal. La fin est poignante. Cette touche fantastique, onirique, est peut-être le seul bémol du film. Etait-elle vraiment utile ? Le film dénonce évidemment une société qui ne prête pas attention à ses morts. Qui sont ces morts ? Des personnes seules évidemment mais pourquoi sont-elles seules ? Rejetées de leur famille, de leur entourage, de la société. Les seuls éléments qui pourraient les caractériser sont des slips qui sèchent sur des radiateurs, un fauteuil à trois pattes, un oreiller qui garde l'empreinte d'une tête reposée. Ce sont aussi des photos. Photos que John May récupère pour les consigner dans un album qu’il parcourt avec bienveillance, avec compassion. Photos jaunies, sépia, noir et blanc, couleur, écornées, dépliées. "Une belle fin" est un film délicat, touchant, méditatif. En parcourant les pages de l’album, je me dis que la mort est inévitable, bientôt je ne serai plus qu’un cliché enfermé dans un album. Qu’il y ait du monde ou pas à mes funérailles, peu importe, quand on meurt, on meurt quoiqu’il arrive seul… Est-ce pour autant "Une belle fin" ?