Que d'émotions qui planent sur la pellicule de ce joli film de Lea Fazer. D'abord à cause de sa genèse issue d'un projet prématurément interrompu. La réalisatrice avait en effet écrit le synopsis du film avec le prometteur Jocelyn Quivrin qui vit son destin s'achever brutalement un dimanche d'hiver dans l'obscurité du tunnel de Saint Cloud. Ce dernier voulait raconter au cinéma sa rencontre avec Eric Rohmer, lui aussi disparu peu après et son amie, madame Fazer, décida en guise d'hommage au jeune comédien, de réaliser ce film coloré de mille nuances.
Elle choisit pour le faire vivre une valeur sûre du jeune cinéma français, Pio Marmai, au naturel et à la spontanéité indubitables. Pour camper le clone d'Eric Rohmer, elle fait appel, à raison, au statutaire Michael Lonsdale. Celui-ci m'impressionnait déjà, bien plus jeune au travers de ce qu'il dégageait, notamment dans Hibernatus, en professeur Loriebat, rigide et imperturbable, face à un de Funès faux-jeton maximal.
Léa Fazer nous immerge en douceur dans l'histoire du tournage d'un film atypique un peu désordonné et sans grands moyens. Henri ( Pio Marmai ) court les castings et se retrouve à sa plus grande surprise choisi pour l'un des rôles principaux d'un film d'auteur, style auquel il est totalement hermétique. Il rencontre l'étrange Cédric Rovère ( Michael Lonsdale ), metteur en scène de son état, en déployant d'énergiques efforts pour comprendre son langage. Sur le tournage du film d'époque que Rovère dirige à sa manière, tantôt lunaire, tantôt rieur, Henri jète son dévolu sur la jeune Gloria ( Deborah François ), comédienne fan absolue du metteur en scène. Henri fait tout ce qu'il peut pour se rendre séduisant aux yeux de la Gloria, malgré l'accoutrement imposé et les efforts de la styliste, sous les yeux amusés et approbateurs de Cédric Rovère.
La complicité entre le jeune comédien et le vieux réalisateur se tisse rapidement, avec la bienveillance et la patience toute british de Michael Lonsdale, qui est selon moi, l'un des plus grands acteurs français, que les plus illustres cinéastes ont sollicité, et qui semble se foutre un peu de ce que l'on dit de lui, ce qui est tout à son honneur.