Bien que n’ayant aucun lien de parenté, Jennifer Lawrence doit inspirer Francis Lawrence. Après deux réalisations intéressantes, Hunger Games Catching Fire et The Mocking Jay Part 2, qui sortaient le réalisateur du bien pensant made in USA, il livre Red Sparrow. Film d’espionnage aussi inattendu dans le fond que dans la forme. Certes les gentils américains se battent pour la liberté du monde que les méchants russes veulent dirigés, manichéisme made in USA pesant, sauf que c’est la face cachée de l’iceberg. En réalité c’est un film sur la manipulation, thème des Hunger Games. Ici, le support est la séduction charnelle. Mais ce film érotique ne l’est pas, excepté l’apparition de la belle en maillot de bain et la brève scène d’amour entre Nash et Dominika (prénom qui n’existe pas en russe). En effet, le viol est brutal au début, sanglant à la fin, mais plutôt glacial au total. Quant à la scène déshabillée dans l’école des sparrow, elle est exactement filmée comme le veut le propos : débandante au possible, malgré la plastique de Jennifer Lawrence (dont c’est la première scène de nu intégral au cinéma). Seulement interdit au moins de 12 ans en France, le film est classé R (violence and nudity) aux USA sans la moindre restriction pour érotisme. Par contre la violence y est extrême, jusqu’au gore dans les deux scènes d’épluchage. Et pourtant, contrairement à Tarentino, ce n’est pas du spectacle gratuit. Dominika torture et est torturée comme un homme, n’hésitant pas à payer de sa personne, dans tous les sens du terme, pour devenir la maîtresse d’un jeu aussi logique et complexe que les échecs. Ainsi, de faux semblant en faux semblant, le scénario très fouillé est construit comme plusieurs prisonnières espagnoles (des tiroirs dans les tiroirs). Il est illustré par une virtuosité technique impressionnante, aussi bien visuellement que musicalement, accompagnant une collection d’acteur emmurée dans une absence d’émotion qui se voudrait totale, mais dont les fissures, l’espace de quelques instants, laissent apparaître d’autres dimensions humaines. Une fois de plus, Jennifer Lawrence y est incroyable de force et de présence, même si le début en ballerine ne supporte pas la comparaison avec Natalie Portman dans le Black Swan de Darren Aronofsky, qui devait réaliser ce film, mais quitta le projet. Que finalement Francis Lawrence soit retenu plutôt que David Fincher (avec Rooney Mara dans le rôle de Doninika Egorova) résume assez bien le chemin parcouru par la superficielle star des réalisations vidéo. Avec Red Sparrow le réalisateur offre pour la première fois un film nihiliste, très loin des blockbusters aseptisés. Néanmoins quelques réserves viennent entacher cette brillante réalisation. Une absence de distanciation qui ôte toute possibilité d’humour et un accent russe qui aurait pu se justifier si les russes parlaient russes et pas anglais entre eux ! Et pourtant, que la musique de Grieg est belle…