Après Civil War, un choc politique d'une noirceur encore timide mais bien présente, Marvel s'est offert deux récréations : Spiderman Homecoming, sans grand intérêt sinon son casting, et ce Ragnarok qui vient conclure la trilogie Thor (avant qu'elle ne devienne une quadrilogie avec le futur Love & Thunder) et tenter de faire oublier l'échec de la stratégie de Kevin Feige avec ce personnage qui a usé Kenneth Branagh dont la fibre shakespearienne qui seyait tant au dieu du tonnerre a été bridé, et Alan Taylor, qui devait venir plaquer son expérience sur GOT et qui s'est également rétamé. Bonne nouvelle : Taika Waititi a semble-t-il trouvé le ton juste. Bonne ou mauvaise nouvelle selon sa sensibilité : Thor est un personnage de comédie.
Il suffit de voir le décalage tonal qu'effectue le réalisateur sur Jojo Rabbit, évocation originale de la Shoah, véritable pépite, pour comprendre l'approche de ce Ragnarok, sur le papier un truc vraiment noir puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de la destruction d'Asgard - un lien évident entre les Juifs et les Asgardiens est à souligner. Pourtant, Waititi colore son film comme un bonbon acidulé, qui fleure bon les eighties. On est pas loin du kitsch assumé, de la fantaisy LGBT, et pourtant, encore, ça fonctionne, alors que le scénario ne progresse absolument pas, l'intérêt principal étant d'éloigner Thor de sa planète en train de sombrer. Lumière est faite sur les personnages, réhabilités, redessinés (nouveau look pour Chris Hemsworth), dont les connexions représentent le véritable enjeu.
L'homme plutôt que l'action, plutôt que l'effet spécial. Un drôle de positionnement dans un film, dans une saga qui a fait son beurre sur l'action décérébrée. Non que Ragnarok en fasse l'économie ; il propose son lot de morceaux de bravoure, mais le réal est bien plus intéressé par ses personnages, à qui une humanité (alors qu'on parle de dieux) est rendue à travers ce travail sur la tonalité du film.
Un peu de sang frais chez Marvel, ça fait pas de mal.