La nature animale est tout ce qu’il y a de plus ordonnée : entre proies et prédateurs, la hiérarchie est de mise, les exceptions, inexistantes. Sur l’idée d’un changement sociétal radical, une question se pose : quel type de jardin d’Eden doit être mis en place afin de défier l’ordre établi ? Et, surtout, cela peut-il durer ? Sur le ton de l’humour qui lui est propre, Disney a décidé d’imager sa version des faits en se lançant le défi d’une vie, le tout fondé sur l’idée même de l’authenticité : 64 espèces naturelles constituent l’univers de « Zootopie », un monde sans humains dans lequel les animaux ont arrêté de se dévorer sans pour autant que leurs réflexes ne disparaissent (l’imbroglio est rapidement mis de côté). Si cela a nécessité plus de 18 mois de recherches et des allers retours répétés entre les Etats-Unis et le Kenya, en plus de multiples rencontres entre la Disney’s Animal Kingdom et les professionnels du métier, il faut clairement avouer que le résultat dépasse les espérances tant « Zootopie » se distingue de la cuvée classique. Véritable monde à part qui trouve son aspiration des métropoles modernes occidentales (San Francisco, New York, Toronto, Paris), ce film d’animation ne perd jamais son spectateur et s’amuse à faire appel à son intuition, elle qui s’avère au final bien terne, chaque plan réussissant à provoquer inspiration et admiration. Ici, la grenouille n’a nul besoin de se faire plus grosse que le bœuf car l’assiduité donne raison au moins valeureux, à la seule condition qu’il sache où aller. Là-bas, en grandes pompes, Judy et Nick assomment à coup de répliques percutantes, eux qui semblent incapables de vivre une journée sans grabuges. Au coin d’une rue, leurs semblables, prédateurs ou proies, assurent le spectacle : si les paresseux font une entrée plus que royale dans l’antre du comique de situation, les moutons montrent qu’il ne faut pas les sous-estimer. Tel est pris qui croyait prendre ? Plus au moins, car à force de faire appel à la nature de chacun (référence appuyée à l’hurlement des loups vigiles), les plans les plus machiavéliques capotent, l’honneur est sauf. Cela va s’en dire : les efforts, appréciés, finissent toujours par payer. Si le message est passé, « Zootopie » redouble de vigilance et n’essaie pas d’amadouer son public ; au contraire, il le laisse profiter des joies d’un univers qui a le don de provoquer la fascination. Aujourd’hui, plus que jamais, la force de Disney n’est plus à remettre en question. D’aussi loin qu’il puisse nous entendre, une chose est sûre : le créateur et faiseur de contes Walt Disney n’a pas besoin de se retourner dans sa tombe : la relève est définitivement (et proprement) assurée.