Je ne connais pas beaucoup Charlie Kaufman, j'ai vu et aimé Eternal Sunshine mais cela s'arrête là. Apparemment, il a l'art et la manière de retourner la tête du spectateur dans les réalisations de Spike Jonze, aussi je me suis dit qu'avec les possibilités quasi infinies de l'animation, ce scénariste pouvait créer quelque chose de franchement intéressant. En un sens c'est le cas, puisque Kaufman propose des choses qui ne se font pas habituellement dans le stop-motion, comme la scène de sexe ou celle du miroir. Certains choix sont d'ailleurs assez déroutants : on se rend compte que quelque chose ne va pas sans parvenir à mettre immédiatement le doigt dessus. Par exemple le fait que, en dehors des deux personnages principaux, toutes les marionnettes ont la même tête et la même voix (celle de Tom Noonan). Cela fait du sens par rapport aux sentiments du héros, mais l'effet est quand même assez grossier. Concernant l'animation, c'est mi-figue mi-raisin. Bien sûr, les mouvements des marionnettes et des objets sont suffisamment travaillés pour permettre aux personnages d'évoluer dans l'espace de manière fluide et naturelle. Le problème vient des visages, qui sont séparés en deux au niveau des yeux pour animer le front indépendamment du nez et de la mâchoire. Cette rupture nette (et voulue) casse complètement l'immersion que le film tente d'instaurer. De plus, cela amène un changement de grain de peau entre le haut et le bas du visage, particulièrement visible dans les gros plans. Quelque chose dans la réflexion de la lumière ne fonctionne pas, et c'est dommage car c'est certainement l'élément le plus travaillé. En effet, l’hôtel où se déroule l'action profite d'un éclairage chaleureux et doux très agréable, qui vient même sublimer quelques plans. Les décors sont également travaillés, bien organisés, bien composés, à tel point que c'en est trop. Tout est tellement propre que cela donne à l'ensemble un aspect un peu lisse franchement dérangeant. J'aurais aimé qu'une histoire prenante et farfelue vienne pallier ces défauts, mais ce n'est pas le cas. Ça ne raconte rien d'intéressant, d'autant plus qu'aucune action de cette journée n'a de conséquence sur quoi que ce soit. Quelque part, on peut voir le scénario comme une situation initiale et une péripétie, sans élément perturbateur ni conclusion. À ce stade là, l'intrigue n'est même plus linéaire, elle est statique. Et puis ces scènes s'étirent énormément, je me demande bien au service de quoi. La romance n'est pas non plus très bien amenée, mais elle a le mérite d'apporter quelques moments franchement beaux et vrais. Anomalisa vaut donc beaucoup plus le détour pour son animation (parfois imparfaite) que pour son histoire peu intéressante de crise de la cinquantaine. Le spectateur ne sombre jamais dans l'ennui, mais le film lui laisse la fâcheuse impression de tourner en rond en n’ayant rien à dire.