Nulle intention de ma part que de venir ici douter de la créativité et de l’indépendance artistique de Charlie Kaufman et de son accolyte de moment, mais force est d’admettre qu’Anomalisa, vendu comme une fable délicate sur les affres de la solitude, de l’anonymat et de l’amour laisse d’avantage un sentiment de malaise qu’autre chose. Curieux, donc, que ce film d’animation clairement adressé à l’adulte à tendance philosophe, ce pari clairement artistique qui n’aura laissé personne indifférent. Certains, bien sûr, auront crié au génie, alors que d’autres, moi-même, n’y voyons qu’un brûlot signé d’un auteur à l’orgueil à peine maquillée. Kaufman propose en effet quelque chose, ici, en tentant d’approcher une thématique sociale récurrente via les lapsus, les non-dits et une manière d’appréhender la vie qui ne satisfera pas tout le monde. Vous voilà prévenu.
Tout, dans Anomalisa, tient du parti-pris, artistique, d’abord, puis narratif. Rien, en fait, ne découle d’une quelconque normalité, à l’image de la curieuse plastique du visage des protagonistes, des individus parfaitement modelés auxquels les créateurs ont semble-t-il voulus ajouter une sorte de masque mécanique, métaphore, sans doute, à note désintérêt perpétuel pour le monde qui nous entoure. Aussi, ces timbres de voix masculins, pour les femmes, perturbe, jusqu’à l’arrivée de Lisa, qui elle, parle comme une femme. Une anomalie, donc, un être qui inspire, pour une fois, autre chose que de l’indifférence de la part de Michael, blasé, déprimé et à la limite de la dépravation sociale. L’indifférence au centre des débats, donc, alors que la proposition d’ancré cette curieuse rencontre dans le cadre du plus impersonnel des rendez-vous professionnel semblait initialement une bonne idée. Plein de choses, donc, promises par les deux cinéastes aux commandes, mais peu de chose à l’arrivée, malheureusement.
Des élans philosophiques, des élans émotionnels, rien que des élans, rien d’autres, en dépit d’une modélisation en Stop-Motion formidable. On ira même ici jusqu’à nous proposer une scène de sexe pour le moins explicite entre deux marionnette animées, jouissant dans l’allégresse alors que le climat tourne rapidement, les ébats commençant, au malsain. Difficile de parler de choc, rien de cela. Il s’agit simplement d’un contexte qui ne permet pas, réellement, une telle prise de risque alors que concrètement, nous sentons que le grand n’importe quoi n’est jamais très loin derrière les guêtres de notre personnage principal, un individu qui plus est jamais touchant, un comble en l’occurrence.
Non, décidément, cet Anomalisa ne m’aura pas beaucoup plu, quand bien même la maîtrise technique et l’audace initiale de Kaufman sont à louer. Les curieux y trouveront peut-être matière à s’émerveiller, voire à philosopher sur notre condition d’être humain naviguant à l’aveugle dans la plus grande des prisons, la vie, mais peu de chance pour que beaucoup adhèrent au propos. On aime que les cinéastes prennent des risques, ce fût payant dans le cas de Kaufman avec Dans la peau de John Malkovich, mais ne poussons quand même pas mémé dans les ortilles avec des projets tels que celui-ci. 07/20