Artiste australienne, Kym Vercoe a passé des vacances dans les Balkans, notamment à Visegrad, à l'est de la Bosnie, où elle a séjourné dans un hôtel idyllique, et admiré le superbe pont sur la Drina, décrit par le Prix Nobel de littérature, Ivo Andric. Ce n'est qu'en rentrant en Australie qu'elle a découvert les exactions commises dans cette partie serbe du pays, en 1992 : 1757 personnes assassinées et jetées dans la rivière, 200 femmes violées à multiples reprises et tuées dans l'hôtel où elle a passé une nuit. Alors, elle y est retournée, en hiver, et s'est heurtée au silence et à l'hostilité des habitants. Aucun mémorial n'a été érigé comme si rien n'était arrivé. Kym Vercoe a écrit une pièce de théâtre pour raconter son "expérience", puis le script du film de Jasmina Zbanic dans lequel elle interprète son propre rôle. Celui-ci ressemble à un carnet de voyages, volontairement. Mais dans les eaux de la Drina, c'est du sang qui coule encore, même si elles semblent claires. Déni de mémoire, oubli progressif de l'horreur, immunité des bourreaux. Le film n'a rien de spectaculaire, toutes les atrocités sont derrière les images. Les femmes de Visegrad est une oeuvre pour se souvenir, qui peut sembler inaboutie sur l'instant, mais qui travaille longtemps une fois achevée. Il neige sur le pont de la Drina. Et pour longtemps.