Inspiré du livre du journaliste sportif irlandais du Sunday Times David Walsh « Sept péchés capitaux », le film de Stephen Frears ne manque pas d’intérêt. Surtout si comme moi on a regardé à l’époque toute cette histoire d’un œil distrait, alors oui on apprend pas mal de choses devant « The Program ». En 1h45 à peine, on assiste à toute l’histoire sportive édifiante de cet ex-grand champion de cyclisme, et 1h45 pour une histoire pareille, çà fait court ! Au début surtout, le scénario enchaine tellement vite les évènements qu’on a l’impression que le film lui-même marche à l’EPO ! Impossible de décrocher, il n’y a pas de baisse de rythme, le film part sur les chapeaux de roue et nous emmène sur la ligne d’arrivée à un train d’enfer, sans qu’on n’ai jamais eu l’occasion de trouver à redire sur l’utilité de telle ou telle scène, ou la pertinence de telle ou telle autre. J’ai trouvé personnellement qu’il était même un peu trop court, j’aurais bien aimé que le scénario creuse un peu davantage la psychologie des personnages (celle d’Armstrong mais aussi cette de Floyd Landis), s’appesantisse un peu davantage sur le climat d’omerta et d’intimidation que l’US Postal faisait régner sur le peloton. Tout ceci est évoqué mais le scénario aurait pu aller encore un peu plus en profondeur, encore un peu plus loin. Mais « The Program » a malgré tout un immense mérite : il dépeint de l’intérieur un système très élaboré et montre, avec une certaine pertinence, comment et pourquoi il a pu rester caché pendant si longtemps. Stephen Frears mélange dans son film les images d’archive avec ses propres images, c’est normal et c’est inévitable et c’est fait avec une certaine fluidité. Il filme les scènes de courses de manière tout à fait convaincante, s’essayant même à des plans intéressants et assez réussis (caméra au niveau des dérailleurs, caméra embarqué dans les descentes des étapes de montagne…). Il n’y a que les reconstitutions des podiums sur les Champs Elysées qui font un peu cheap, parce qu’autrement les scènes de courses sont très convaincantes, le mélange vraies images-reconstitutions étant assez soigné. C’est à Ben Foster qu’a échu le rôle de Lance Armstrong, assez ressemblant, il semble avoir beaucoup travaillé sur son « modèle » que ce soit dans son attitude sur le vélo mais aussi dans sa façon de parler, de se mouvoir. C’est toujours un défi pour un acteur qu’incarner un personnage hyper-connu. Sauf que là, en plus, il incarne un homme encore vivant et en plus, dans un film qui ne lui fait pas la part belle ! Honnêtement, il s’est coulé dans le rôle de Lance Armstrong comme on enfile un cuissard de cyclisme (hum… pas très élégante cette métaphore… tant pis je la laisse !). A ses côté, Denis Ménochet, Chris O’Dowd et Guillaume Canet sont très justes aussi, même si ça fait tout bizarre d’entendre Canet parler anglais avec un accent italien à couper au couteau ! Mais je voudrais ajouter une mention spéciale à Jesse Plemons qui tient avec une vraie épaisseur et un vrai talent le rôle de Flyod Landis. Tous ceux qui ont aimé « Breaking Bad » reconnaîtront Jesse Plemons à la première image ! Floyd Landis, et aussi grâce à la qualité de son interprète, est l’autre grand centre d’intérêt de « The Program » à mes yeux. Ses origines amish (ce que j’ignorais), ses convictions religieuses difficilement incompatibles avec le mensonge, ses réticences devant le « programme » de l’US Postal, les concessions qu’il doit faire avec sa propre conscience et qui le rongent, le sentiment d’injustice qu’il ressent après son contrôle positif, tout çà aurait presque pu donner naissance à un autre film sur un autre destin brisé. Le scénario de « The Program » décortique le système Armstrong et surtout il décrit sa perverse efficacité. Jamais contrôlé positif (parce que médicalement plus malin que les contrôles), se servant de sa fondation contre le cancer comme d’un paravent moral, donnant de l’argent pour la lutte antidopage et le cyclisme propre (plus c’est gros…), Lance Armstrong apparait dans le film de Stephen Frears comme d’un cynisme absolu, étourdi d’orgueil, mégalo et manipulateur mais aussi terriblement intelligent. Il sait que sa légende le protège et protège son sport, il sait que son statut d’icône médiatique le rend quasi intouchable. Mais tout est dans le « quasi », sa seule erreur aura été de se croire éternellement insoupçonnable alors que tout finit toujours par se savoir. Et pourtant, comme il n’y a pas de raison de douter de son intelligence, il n’y a pas non plus de raison de douter de sa sincérité quand il visite des enfants très malades du cancer. Armstrong a une psychologie complexe que le film tente d’expliquer sans vraiment y parvenir: pourquoi diable un homme qui a failli mourir d’un cancer (le film suggère que le dopage en serait à l’origine) s’engage à peine guéri dans un dopage systématique et à grande échelle ? La psychologie humaine est d’une complexité folle… Je veux quand même finir par un bémol sur le film de Stephen Frears : d’une certaine manière il réécrit l’histoire, il passe sous silence l’enquête française (« Le Monde », « L’Equipe ») qui a grandement contribué à la chute du tricheur. Il n’y pas que le Sunday Times qui a fourré son nez dans le système Armstrong, et sans attendre sa retraite ! Il y a même eu un livre écrit par un journaliste français qui s’appelait « LA Confidential », même moi qui ne m’intéresse que de très loin au cyclisme, je le sais ! C’est un peu malhonnête de le passer complètement sous silence, et très discourtois, je trouve