Bon… Bah on s’ennuie quand même pas mal dans ce film non ? Alors OK, j’entends bien les arguments de certains qui disent qu’il y a là de beaux personnages et des moments émouvants. Je ne les contredis pas parce que, sur ce point, je suis d’accord. Le personnage de Steve, incarné par un excellent Antoine-Olivier Pilon, irradie effectivement l’écran et ses deux partenaires féminines savent se mettre au diapason. Mais bon… Plus de 2h quoi… La durée en soit ne me dérange pas, mais à condition qu’on en fasse quelque-chose. On se retrouve quand même avec 40 minutes de situation initiale qui se limitent quand même, soit à de la répétition de ce qui a déjà été dit/montré, soit à de simples scènes extatiques caricaturant abusivement la trame émotionnelle du propos. En gros, on pourrait résumer la démarche de Dolan de la façon suivante. Dans l’intro, les spectateurs doivent se dire que Diane est une grosse plouc démissionnaire et que son fils est un sale gamin totalement timbré. Donc on va forcer les caricatures dans ce sens. Mais, dans les minutes qui suivent, il a été décidé que le spectateur devait diamétralement retourner sa position en se rendant compte comment Diane et Steve étaient finalement des gens trop sympas, trop complices, trop avenants avec les autres… Bref, on les avait mal jugés… Ils sont trop cool en fait. Ensuite, après ça, le film se limite, en gros, à la simple application de la démarche habituelle du cinéma bobo : les gens du peuple savent vivre et sont cool, quant aux bourgeois, ils devraient peut-être s’inspirer d’eux. Une fois ce postulat de bonheur posé, il ne reste plus qu’à faire s’abattre sur ces vilaines gens la fatalité de la vilaine société … Alors, je ne dis pas, il faut bien qu’un auteur ait une démarche et qu’il sache user d’artifices pour rendre cette démarche viable. Le problème, pour moi, c’est que non seulement cette démarche on l’a déjà vu mille fois dans le cinéma bobo français ou américain (non mais quand même ! Un peu d’originalité de temps en temps !) Mais en plus, les artifices utilisés sont rigides, maladroits, et surtout ils entrainent des ruptures de logique et de rythme qui moi m’ont sorti du film toutes les cinq minutes. Non, désolé, qu’un gamin qu’on dit atteint de TDAH – et qui se sait atteint de TDAH ! – soit aussi spontané, avenant, décontracté avec un voisin qu’il n’a pas vu depuis des années, dès le premier contact, au sortir du mitard, ça ne colle pas ! Certes, Dolan opère cette rupture pour obliger le spectateur à renouveler son regard, mais la rupture est tellement faite au burin que l’appréciation qu’on se fait du personnage de Steve ne peut se faire qu’en occultant en permanence des scènes à droite et à gauche… Et c’est dommage, car ce personnage est véritablement la clef de voute du film. Le pire, c’est que j’aurais voulu aimer ce film parce que j’appréciais au fond la part de fantasme honnête que Dolan a mis dans ce personnage. Mais, je suis désolé, je trouve vraiment que ses artifices sont trop mal maitrisés, trop répétitifs et trop pauvres. Toutes les cinq minutes, l’ami Dolan appuie sur la touche « Play » de son baladeur des années 1990 et il met l’image en slow motion pour faire « moment émotion ». Une fois OK, tout le temps c’est lourd parce que pas très inventif. Et qu’est-ce que c’est ce que monde qu’il dit d’un futur proche et où personne ne connait ou diffuse de chansons autres que celles de la fin du XXe siècle ?!! Alors non. Pour ma part, ce film est vraiment impossible à voir. J’aimerais ne retenir que les petites bribes sympas où Dolan fait preuve de sincérité et d’émotion, mais jamais je n’ai réussi à occulter tout le reste : répétitions ; faute de rythme, effets narratifs mal maitrisés ; ultra-prévisibilité d’une démarche déjà appliquée mille fois ; définition des personnages au burin ; imagerie bobo-gay-friendly tirée jusque dans la caricature ; bande-originale presque limitée à la simple compil’ issue de l’adolescence de l’auteur ; scènes de sentimentalisme bon marché et surappuyé… Pitié… Moi je veux bien que Dolan soit un gentil garçon et qu’on le félicite d’essayer de singer les grands. Mais qu’on le fasse pour tout le monde alors, pas seulement pour les gens qu’on apprécie parce qu’ils ont la chance de correspondre à un archétype qu’on adore adorer dans le milieu… Je trouve ça non seulement trompeur pour les gens qui aiment aller régulièrement au cinéma parce qu’on leur vend quelque-chose qu’ils auront déjà vu plein de fois mais en mieux ; mais c’est aussi trompeur pour celui qui n’a pas le temps d’aller régulièrement au cinéma et qui va penser que c’est là le film à voir. Alors peut-être que dans le second cas, « Mommy » pourra encore plaire, faute de comparer à mieux, mais dans les deux cas par contre, c’est amener les gens à prendre de leur temps pour voir un film au dépend d’un autre qui aurait été certainement mieux apprécié… C’est triste ça…