Et pourtant tout part de rien. Un simple film revendicatif, visant à "prouver" qu'une loi récemment passée n'est qu'une abominable erreur, les vicissitudes d'une vie de famille complètement perturbée, le retour d'un enfant qui n'a pas grandi, une mère qui, elle-même, semble dépassée par son rôle, et dont on ne sait plus très bien qui d'elle ou de son fils est le plus atteint, et est le plus dangereux pour l'autre. Mais la caméra de Dolan exaspère, filme à grands traits, à coups de plans fixes audacieux, de gros plans agités, de mouvements déséquilibrés, jusqu'à procurer, dès le départ, face au gouffre qui s'offre à nous, matérialisé par un écran resserré, une impression de vertige. Avec la platitude d'un récit soumis, dès le départ, par une simple indication scénaristique, à l'absence de surprise, se marient les cris de joie, et de désespoir, l'extravagance du jeu, et des sentiments, l'impression d'un tourbillon dans lequel nous sommes pris, et auquel il nous sera désormais impossible d'échapper. Le génie de "Mommy" est là: il n'y a pas opposition entre ces deux tendances, il pourrait même apparaître complètement inapproprié de les exhiber ainsi. Le film opère un fantastique mélange, auquel l'on peine encore à croire, révélant l'extraordinaire spectacle dissimulé sous la réalité des choses. Mieux, bien plus qu'un mélange, il s'agit d'une réconciliation,, réconciliation entre la vie et la réalité, entre l'amour et la haine, entre l'oppression de femmes complètement écrasées sous le poids du rôle social qui leur est conféré, et les magnifiques rôles qui pour elles ont été écrit, des rôles qui rappellent, au hasard, le génie d'un Mizoguchi. "Mommy" est une explosion poétique.