Xavier Dolan a changé, il ne se filme plus le nombril comme dans ses précédents films (Les Amours Imaginaires, en tête de gondole). Il n'en reste pas moins prétentieux. Prenant le parti d'utiliser le format 1:1 (excepté lors de quelques scènes), il fusille son film dès la scène d'ouverture. En effet, ce format peut être utilisé pour donner au spectateur un sentiment de quasi claustrophobie s'opposant à un format 16:9 utilisé lors des scènes où le héros, Steve, se sent libre. Mais l'utilisation de ce "carré parfait" ne sert ici strictement à rien, le sentiment d'oppression n'étant jamais présent chez le spectateur. De plus, le format 1:1 nuit au film car il contraint Dolan à diriger ses scènes au milieu d'un périmètre restreint, laissant moins de place à l’environnement des personnages.
Le réalisateur se plante sur tous ses choix: couleurs trop vives, musiques extradiégétiques omniprésentes, chaque plan dégouline de kitsch. Ceci ne serait pas dérangeant si l'on était en présence d'une série Z des années 80. Or il saute aux yeux que le cinéaste a voulu penser son film comme un chef d’œuvre, erreur qui lui a été fatale. Xavier Dolan est un bon réalisateur de clip. Son style, que l'on aime ou pas, convient à une durée de 3 minutes 30, pas à un film de deux heures et demie.
A l'instar de Laurence Anyways, ou encore des Amours Imaginaires, Mommy est une succession de clips trop "hype" : Steve marche dans une boite de nuit filmé de dos comme une rockstar, Steve fait du skate dans la rue, les bras en croix, filmé de dos... De plus, l'utilisation d'effets stylistiques à outrance nuit au propos du film, la palme d'or aux ralentis inutiles, placés un peu partout dans le film. En effet, quel est l’intérêt de nous montrer le héros plonger sur le lit de sa nouvelle chambre, le tout dans un ralenti digne des blockbusters de Zack Snyder ? Il n'y en a aucun.
Xavier Dolan semble rester enfermé dans les pages de magazines de mode et d'esthétisme qu'il affectionne. A trop rechercher une perfection esthétique, à trop vouloir faire de ses acteurs des gravures de mode, il les rend irréels. Et cette irréalité dessert un scénario qui se veut poignant de réalisme, moins dans le propos (qui traite vaguement d'une loi inexistante mentionnée avant l'ouverture du film) que dans la relation entre les personnages. On ne peut accorder de crédibilité à une relation entre des personnages auxquels on ne croit pas une seconde.
Mais le plus gênant dans Mommy est la surenchère de pathos. Dolan semble vouloir émouvoir le spectateur. "Regardez comme je filme bien ! Regardez comme mes personnages sont tristes ! Ils ont une vie difficile ! Il faut pleurer maintenant ! Tiens regardez ce ralenti là ! Allez, pleurez ! Pleurez !". Cela fonctionne si le réalisateur considère que l'essence de la télé-réalité (le pathos à son paroxysme et l'absence de réflexion) doit se retrouver dans l'œuvre cinématographique. Or il faut accorder peu de crédit au spectateur pour employer les mêmes artifices.
Dolan, c'est le Duchamp du septième art. Mommy, c'est 2h30 de vide sidéral. Les précédents films du cinéaste pouvaient faire réagir, positivement comme négativement, amener le spectateur à aduler ou détester le film et le réalisateur. Ici, il n'en est rien. On ressort de la salle sans aucun sentiment, mis à part celui d'avoir perdu son temps, et son argent.
Une fois tous ces points négatifs mis de côté, que reste-t-il ? Les acteurs sont plutôt bons, mention spéciale à Anne Dorval, superbe. Et il reste une très belle scène. Une scène de rêve sur laquelle le film aurait du s'arrêter, avant de basculer dans un final (très) dispensable. Un final enchaînant clichés sur clichés dans un scénario qui ne convainc pas, semblant sorti du carnet d'écriture d'un adolescent encore un peu immature.
N'hésitez pas à suivre les actualités d'Allocritik sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter (liens sur le Blog) !