"Le Cinéma, c'est la vie", proclamait un slogan ringard à l'époque où l'on se préoccupait de la désaffection des spectateurs envers le 7ème Art. Nous, on le savait bien, sans qu'on nous l'assène dans une pub... Sauf que, honnêtement, depuis une paire de décennies, combien de fois avons-nous ressenti devant un film cette énergie, cette férocité, ce flamboiement de la vie ? (Pialat, nous manque, et infiniment...). Alors, on peut toujours trouver à redire à "Mommy", sur le plan du fond (des personnages excessifs servis en stéréotypes ? Un scénario prévisible ? Je l'ai lu ça et là...) comme de la forme (Facile d'enfermer le film dans un cadre carré pour traduire l'étouffement, et puis de nous faire respirer en 16/9 sur de belles scènes clippesques : nombreux sont les gens de bon goût qui ont tordu le nez sur les toutes petites audaces de Dolan !). Mais l'important, bien sûr, est ailleurs : d'abord dans cette allégresse intense qui nous saisit, face à des de personnages vivant intensément leurs traumas, leurs souffrances aussi, leurs bonheurs surtout, dans une empathie totale d'autant plus gratifiante que, justement, Dolan n'use et n'abuse d'aucun outil habituel de la syntaxe cinématographique, et se contente de filmer ses acteurs - tous trois parfaits, prodigieux même parfois - avec la juste distance, le juste regard. Avec ce que l'on ne peut que qualifier de totale honnêteté. Ensuite, et c'est là que "Mommy" transcende son origine de geste expiatoire de l'auteur ("Maman, tout est de ma faute, je t'aime", pour faire vite), dans la mise en scène parfaite des ambiguïtés : film parfois accusé de surjouer les affects, "Mommy" s'élève lorsqu'il nous montre l'entre-deux, les difficultés du langage, le non-dit, et atteint alors, comme dans son avant-dernière scène entre Die et Kyla, des hauteurs exceptionnelles. Oui, le cinéma, c'est la vie, mais, grâce à Dolan, c'est aussi, à nouveau, enfin, la jeunesse.