L’immobilier des Subprimes, les victimes des prêts à taux variables, le crash boursier de la fin de la décennie passée, un contexte douloureux pour le film de Ramin Bahrani, thriller, en quelque sorte, primé durant la dernière édition du Festival du film américain de Deauville. Un film, donc, qui ne racontent pas que de belles choses réjouissantes, un film d’une noirceur sociale impénétrable qui voit un déshérité vendre son âme au diable pour reconquérir ce que la banque lui à prit. L’histoire, en somme, du petit peuple de Floride, Orlando, en l’occurrence, face à la spéculation boursière, face à la mégarde d’un gouvernement, face à la malhonnêteté réincarnée en marché de l’immobilier.
Passionnant de bout en bout, 99 Homes dresse un portrait touchant d’une Amérique prolétaire tourmentée, malgré le soleil et les apparences floridiennes. D’une scène d’expulsion de domicile diablement efficace, un véritable tourment, notre héros démuni entre par la petite porte dans le monde de l’immobilier, pactisant avec son diable à lui pour retrouver sa maison. Tout découle dès lors d’une certaine logique narrative, le petit apprenant du méchant pour à son tour s’enrichir. Mais les conséquences seront-elles supportables pour la victime devenant l’instrument, des banques, d’une part, et d’un patron avide et surtout escroc notoire? Là ou couve le drame, la rédemption n’est pas loin. C’est sans doute cela qui finira par ne pas faire de 99 Homes un grand film, cette naïveté étonnante durant le dernier quart d’heure, alors que jusque-là, tout était brillant. La fin, en effet, n’est pas à la hauteur de ce qui précèdera, bien malheureusement. Mais point de soucis à avoir, cela n’enlève rien au statut d’excellent film de 99 Homes.
Outre la technicité, s’il on peut dire, quasi documentaire de Ramin Bahrani dans sa façon de mettre en scène son histoire, celui-ci pourra s’appuyer sur deux acteurs géniaux pour renforcer son projet. Michael Shannon, que l’on devrait ne plus avoir à présenter, incarne le diable qui se faufile, l’escroc, le tortionnaire riche qui ne s’en cache pas. Un personnage peu ambigu qui semble avoir parfaitement choisit son camp face à la détresse des autres. Remarquable. La surprise, pour être honnête, vient d’Andrew Garfield, un comédien passé par la case Blockbuster, sans succès, et qui se retrouve ici bouleversant d’humanité dans la peau de celui qui subit, qui fait subir et qui finira par se faire l’arbitre d’un scandale national, à son échelle. C’est sans le moindre doute un sacré coup de boost pour la carrière de cet acteur qui aura connu la désillusion avec son personnage de Spider Man, et c’est tant mieux pour lui.
Pour terminer, il semblerait donc qu’en dépit de ses nombreuses qualités, qu’en dépit des sensations qu’il a créé dans différents festivals, le film de Ramin Bahrani n’ait pas été jugé suffisamment intéressant pour bénéficier d’une sortie en salles. On ne criera pas à l’injustice, mais presque, tant un tel film apporte d’avantage que bon nombre de brûlot à découvrir dans les multiplexes. On ne peut dès lors que déplorer les choix des distributeurs francophones, des gaillards qui se sont sûrement dit que la détresse sociale n’était pas vendeuse. A tort. Tout ça confirme donc que l’exploitation cinématographique, de par chez nous, n’est pas franchement à l’avantage du cinéphile. 15/20