Reboot parfaitement assumé et sincèrement très honorable à la célèbre franchise Rocky, le Creed de Ryan Coogler marque non seulement des retrouvailles touchantes avec le personnage phare de la carrière de Sylvester Stallone mais aussi la découverte d’un nouveau protagoniste marchant à la fois dans les pas de son coach mais aussi dans ceux de son père disparu. Un passage de flambeau, donc, ou chacun mène son combat, côte à côte, dans l’adversité, un combat essentiel car but ultime pour chacun des deux. Un hommage, mais aussi la promesse d’un renouveau bien mérité pour une franchise qui nous aura servi, depuis l’oscarisé premier volet, rien de moins que cinq suites, certes inégales mais toutes respectables. Creed, l’héritage de Rocky Balboa, ne faiblit ni fasse à la pression ni ne cède à la facilité, offrant une énième baroude d’honneur à une légende et plongeant dans le grand bain une nouvelle entité pleine de promesse.
Ryan Coogler, remarqué à Sundance pour son brûlot Fruitvale Station, il retrouve par là même son acteur Michael B. Jordan, assume haut la main sa nouvelle posture de directeur de grosse production, livrant un film à vocation commerciale mais qui demeure fidèle à un esprit nettement plus indépendant. Un mixage de deux produits, en soit, qui fonctionne commercialement et qui ne se vend pas comme un abrutissement ravageant un héritage. On en connaît plein. Ryan Coogler signe donc une certaine forme d’exploit en ne travestissant pas en produit de consommation le passage de témoin entre Rocky et son nouveau poulain, un formidable Michael B. Jordan, physiquement imposant et malmené, mentalement très impliqué dans le projet. Le petit zonard de the Wire a bien grandi est devient ici un puissant boxeur au charisme impeccable, un successeur parfaitement méritant de l’étalon italien.
Mais Rocky reste, dans l’ensemble, l’atout majeur du film tant Stallone parvient à nous faire vibrer. Nominé dans la catégorie meilleur second rôle, bien mérité, le comédien livre ici une partition de haute volée, aussi impressionnant en luttant contre l’âge qui avance, le temps, que lorsqu’il flanquait des coups au père de celui qu’il entraîne aujourd’hui. Sylvester Stallone contredit ses détracteurs en prouvant qu’il est encore un acteur de qualité, pour autant que le rôle en vaille la peine, ce qui est évidemment le cas. Plein de vie, de sagesse et de charisme, son célèbre personnage incarne ici à la fois l’espoir et le pessimisme de voir la fin approcher. Remarquable. On notera par ailleurs qu’il cède volontiers sa place, sur le tournage comme dans les pages du scénario, à Michael B. Jordan, sans caprice aucun. Honorable lorsqu’un grand héros de cinéma sait s’effacer pour passer le relais.
On peut donc louer les mérites de Creed, un film singulièrement réussi, respectueux, toujours passionnant, sur le ring comme dans les rapports humains. On pourra aussi saluer le fait qu’en bon descendant de la franchise Rocky, le film n’a pas à rougir face à une sérieuse concurrence, The Fighter, La Rage au ventre, en livrant quelques moments d’anthologie comme ce combat de deux minutes en plan séquence. Ryan Coogler et son acteur fétiche sortent de l’ombre et j’ai comme l’impression que cela sera bénéfique pour bon nombre de cinéphile. 17/20