En allant fureter du côté de mon camarade du Christoblog, je suis tombé sur une ligne qui, me concernant, a su très bien cerner mon ressenti au sujet de ce film pour le moins militant de Sarah Gavron. L’ami Chris disait : « Il arrive que le sujet d’un film soit plus intéressant que le film lui-même, c’est exactement le cas de "Suffragettes". » Pour le coup, je pourrais presque m’arrêter là, tant je me retrouve dans ce bilan. Mais bon… Vous me connaissez : faire synthétique quand on a le droit de faire développé, ce n’est pas trop dans mes habitudes ! Parce que oui, quand même, j’avoue être surpris moi aussi de constater à quel point j’ai vécu ce film comme une purge de la première à la dernière minute alors que, malgré tout, le sujet me plaisait tant. Pour le coup, je trouve même que se pencher sur ce film est presque un exemple à étudier tant il est un cas d’école en terme d’échec dans la démarche Qu’est-ce qui a cloché finalement dans ce film ? Pour moi, la première chose qui s’impose, c’est clairement le ton adopté. Le classicisme. En gros, comme tous les films qui se veulent militants sans être offensants, Sarah Gavron a fait le choix de respecter les conventions académiques. Cadrages, dialogues, personnages, démonstrations : tout suit le plan qu’on connait tous pour l’avoir tant vu tant de fois dans des « Majordome », « Couleurs des sentiments » ou autre « Imitation Game ». Alors certes, ça ne choque personne, mais pour moi l’effet retors de cette méthode c’est qu’elle lisse aussi les possibilités d’empathie à l’égard des personnages. Ainsi on voit un combat classique, mené par des figures archétypales classiques, le tout pour célébrer une victoire attendue. Personnellement, je ne suis jamais parvenu à me laisser prendre émotionnellement par les enjeux des personnages principaux, et pour le coup c’est clairement la faute à une écriture qui n’a focalisé son attention que sur la démonstration, la simple transmission d’informations sur la situation de l’époque, plutôt qu’elle n’a cherché à la singulariser, à lui donner de la chair. Et ça c’est quand même, je trouve, sacrément triste. La question de la place de la femme dans la société occidentale est un sujet qui est encore diablement d’actualité, et au lieu de chercher à dresser des ponts entre notre début de siècle et le début du siècle dernier, Sarah Gavron décide de rester enfermée dans l’époque qu’elle traite sans chercher à universaliser ce combat qu’elle entend mettre en avant. Ainsi se retrouve-t-on confronté à une démarche totalement contre-productive. Les femmes sont toutes des Mary-Sue sans reproche, les hommes tous des incarnations diversifiées mais primaires de la terrible oppression patriarcale, si bien qu’en fin de compte, on se reconnait tellement peu dans cette peinture des rapports hommes / femmes, qu’on en arrive à la fin de ce film à se dire que, finalement, tout le boulot a été fait au siècle dernier et que désormais la liberté de la femme est un acquis qui s’exprime aujourd’hui dans une certaine forme d’absolu indépassable. Mais quelle erreur ! Alors non seulement ce choix rend le film incroyablement long, barbant et creux, mais en plus, il dit presque l’inverse de ce qu’un sujet comme ça devrait dire ! Alors certes, le pire, c’est que le machisme devait certainement être jusqu’à ce niveau là à cette époque. Oui, il était certainement à ce point primaire. Seulement, était-il si pertinent que cela de le représenter de manière aussi systématique et outrancière ? N’aurait-il pas été plus stimulant pour le spectateur que de jouer un peu avec l’histoire, au travers de personnages iconoclastes (qui ont su en plus exister de tout temps) afin de creuser vraiment la question des rapports hommes / femmes dans tout ce qu’ils ont de plus subtils et pernicieux ? Moi, personnellement, je reste persuadé que oui. Et quand je vois ce « Suffragettes », j’ai l’impression d’assister à un épisode de « Nota Bene » de près de deux heures, c’est dire le calvaire. Bref, c’est triste, mais pour moi, ce film est un loupé total. Et je me rends compte que si je mets malgré tout une petite étoile, c’est presque par pitié, tant j’ai senti que l’intention de la réalisatrice n’était pas là. Bref, la volonté était belle, mais, manque de pot, la réalisation est quant à elle un monumental flop. Quel dommage…