On n'est pas le public-cible, car ce Gran Turismo s'adresse surtout aux joueurs des courses automobiles éponymes sur PlayStation, ce qui engendre (et on le comprend) de grands moments de joie nostalgique chez ceux-ci. A grands renforts de mise en scène calquée sur l'univers du jeu vidéo (la propension hallucinante de plans larges avec les scores au-dessus des voitures, le public en délire totalement numérique - et mal fait, ça pique les yeux -, les gros plans sur la mécanique de la voiture lors des courses qui ressemblent à une cinématique...), Neil Blomkamp drague les amateurs de manettes sans aucune retenue, avec des sabots énormes et sans jeter un œil aux autres. Les "autres" comme nous s'occuperont en se demandant combien ont touché David Harbour et Orlando Bloom (qui essaient parfois de donner l'illusion qu'ils ne sont pas là que pour le chèque, sans qu'on ne soit dupe une seconde, mais l'effort est louable), ou Neil Blomkamp (transparent à la réalisation), ou même le scénariste (quel que soit le montant, c'est bien trop pour ce scénario sans aucune surprise, tellement prévisible et linéaire qu'on pourrait faire une course de vitesse dessus sans toucher au volant). Gran Turismo, à l'inverse, dure 2h15, et ce fut pour nous une longue, longue, longue ballade de yes-men, sensationnelle et clinquante, mais sans mise en scène. On a amèrement regretté quelques chefs-d’œuvre de réalisation (Le Mans 66) ou de frénésie (Rush), ou même quelques plaisirs coupables (Need for Speed... oui, on assume, ne serait-ce que pour les cascades, qui ne sont pas de la bouillie numérique... Vraiment, on n'a pas adhéré au postulat "c'est fait comme un jeu vidéo, tout en numérique" de ce Gran Turismo). On ne sauve au final que le message altruiste de croire en ses rêves, que la volonté de contenter un public-cible avec nostalgie et mise en scène adaptée (les autres n'ont qu'à aller voir Le Mans 66), avec un casting qu'on devine attiré davantage par le chèque que par l'envie mais qui se donne la peine de tenter de faire croire l'inverse, et l'effort de mettre le fameux "gamer pilote" en tant que cascadeur du film (pourquoi pas...). Gran Turismo ne fait son tour de piste que pour un public déjà conquis.