Révélée avec « Open hearts », confirmée avec « Brothers », adorée avec « After the wedding » et inspirée avec « Revenge », la réalisatrice danoise Susanne Bier monte sur la scène Netflix afin de divertir des spectateurs dont l’œil est fatigué par l’excès du contenu qui gonfle sans modération. D’après l’œuvre de Josh Malerman, l’héritage du récit tient en une poignée de sens, où la vue est la moins sollicitée. Cette vue embrasse pourtant le quotidien de tout être humain ou animal, il y a un certain besoin de visualiser ce qui nous approche et vers on nous nous dirigeons, c’est un fait. La survie tient en un tout, mais l’essentiel étant de savoir comment appréhender les autres sens, sans affolements. Scénarisé par Eric Heisserer, le film en profite surtout pour nous faire prendre du recul sur la vision restreinte de l’homme, qui ne guette pas plus loin que ce qu’il a dans son champ de vision. Il cherche à avertir, pas par le moyen le plus pacifique possible, mais l’équipe technique au complet échoue dans le huis-clos visuel qui a tant attisé notre curiosité.
Pour commencer, il est évident que le film n’assume pas sa campagne, destinée à nous vendre une aventure isolée et guerrière chez la grande Sandra Bullock, les yeux bandés. Loin de là, le récit use d’aller et retour entre le présent et de nombreux flashbacks et le script banalise grossièrement les lignes de personnages trop stéréotypés. Il est donc difficile de cerner vers quoi le discours s’oriente. Y a-t-il une dénonciation ou de l’adoration dans le système qui semble nuire à l’intégrité humaine ? De plus, le film entre en contradiction avec son concept, intimement proche de celui de John Krasinski. Si la vue induit le sentiment de danger et de peur, le huis-clos post-apocalyptique coté « L’Armée des Morts » n’est pas le plus pertinent, notamment avec des ellipses qui amputent tout développement personnel, car le véritable danger se trouve à l’extérieur. Il y a une idée qui résonne, comme si la menace est matérialisée, mais une fois encore, le récit ne se prononce pas entièrement. Voudrait-on certainement que l’on se fasse une perception métaphorique de la chose, mais alors les scènes de tensions qui reposent sur le concept de base n’auraient plus rien d’inquiétant et de crédible ? Le fait de « voir » est nuancé pour des besoins scénaristiques qui viendront se greffer à mi-parcours, faisant acte de foi et rentrant dans un genre fantastique inabouti.
Le revers de la médaille s’adresse au personnage central, qui n’est autre que Malorie, femme élevant des enfants malgré les situations périlleuses. On nous brosse un portrait de femme qui s’affirme, mais qui peine à accepter la maternité comme elle vient. Olympia viendra faire contraste avec son caractère exigeant et robuste, mais rien de plus. Cependant, l’étude de son comportement est sans doute la chose la plus intéressante à développer. On y discute de la peur en soi et des capacités qui sombrent dans l’hésitation. L’héroïne fait face à la folie et ce qui la rattache à ses enfants en tant que mère et père responsable. Elle porte la double casquette, mais ne sait jamais avec quelle tonalité prendre des décisions. La rupture de confiance les offense, alors qu’ils ne cherchent qu’à ouvrir les yeux devant un monde imparfait, mais nécessaire pour l’épanouissement de chacun.
Bruyante, l’atmosphère de « Bird Box » n’est pas celui espéré, mais il nous accorde d’inévitables tensions dramatiques d’entrée de jeu, de quoi nous garder à l’œil pendant un moment, avant de piquer du nez dans une narration qui s’envenime dans la confusion. Les survivants recherchent tout un climat de confiance, mais y parviendront-ils réellement ? Les créatures sur qui reposent toute l’angoisse ne génèrent pas assez de subtilités quant au message à délivrer. Nous ressortons du visionnage avec une multitude d’interrogations et d’incohérences dans le traitement du concept, qui n’a pas forcément besoin de justifications, mais à ce stade-là, il ne s’agit plus d’induire la peur, il faut la rendre concrète et sans bavure. Si l’intrigue décide toutefois de finir sur une note positive, c’est que dernière la morale, il y a de l’optimisme. Ne pas croire en l’échec total, malgré les drames qui persécutent les protagonistes, voilà en quoi croient les producteurs qui se sont engagés à nous servir un plat à la fois réchauffé et à la fois suffisant.