ll va falloir poser les bases tout de suite dans ma critique. Je n'aime pas Benoît Poelvoorde. Je ne l'aime pas en tant qu'acteur et il ne m'a jamais fait rire. Il faut reconnaître que les films que j'ai vu de l'acteur ne sont pas extraordinaire non plus : Le Boulet et Podium ne sont pas de bons films (le Boulet encore plus), Astérix au Jeux Olympiques et Rien a déclaré parlent d'eux - même et je ne suis pas pressé d'aller voir l'autre film de Famille à Louer avec Virginie Efira. Cela dit il y a 6 mois j'avais critiqué le film Voyage en Chine avec Yolande Moreau et j'avais déjà émis mes réserves envers ce film. Mais bon j'ai quand même été le voir et...finalement je l'ai plutôt apprécié, mais pas à cause de Benoît Poelvoorde. Enfin pas que.
Ce film est très bien fait et structuré. Il a la construction non pas d'une comédie lambda, mais d'un conte. Tout est raconté du point de vue d'Ea dans la manière d'un conte. Le réalisateur a fait un bon travail de mise en scène afin de refléter l'univers qu'il a mis en place. D'une part, dans la "maison de Dieu" et l'extérieur, le monde est assez sombre limite glauque. Mais une fois à Bruxelle, le monde est un peu plus lumineux sauf pour Poelvoorde (oui je vais plutôt l'appeler Poelvoorde que Dieu, il n'y a qu'un Dieu sur Terre et il s'appelle Morgan Freeman), là par contre c'est toujours assez sombre, sauf vers la fin. On pourrais croire aussi que si l'histoire est racontée du point d'Ea, il y aura un problème de narration car on voit aussi les autres personnages. Cela dit comme elle est la fille de Dieu-Poelvoorde, l'histoire de la focalisation interne ne tient plus et on est en focalisation 0. La structure est aussi à la manière d'un livre ou chaque chapitre est structurée selon le même schéma :
Le Titre
L'histoire d'Ea
L'action de Dieu-Poelvoord/Déesse Yolande
L'humour n'est pas aussi omniprésent que laisse entendre la bande-annonce mais rythme un peu le film. Seulement, il y a un problème. A part rythmer il n'apporte rien à la narration et tourne majoritairement autour de Poelvoord. L'exception vient du climax final où tout est tellement délirant que s'en est presque surprenant. Enfin, bien qu'ils ne sont pas très présents, les effets spéciaux sont réussis. Quant aux personnages, c'est assez étrange.
Tout d'abord, on va parler d'Ea, la fille de Dieu (jouée par Pili Groyne). C'est une fille assez gentille mais qui en a marre du comportement de son père (qui a fait fuir Jésus on y reviendra). Elle décide de lui donner une leçon en balançant les dates de décès de tous les habitants du monde et de faire ce que son frère à fait en son temps, partir chercher des apôtres. C'est un personnage très intéressant, car son accès de caprice a permis de remettre en question pas mal de personnes, et de savoir ce qu'ils feront du reste de leur vie. Elle a des pouvoirs divins même si (selon ses dires) elle ne les maîtrises pas autant que son frère, en plus de la culté de reconnaître la musique du coeur de chaque personne qu'elle rencontre (et de bonnes musiques sauf pour Martine qui est une musique de cirque). On pourrait croire que son action est stupide et infantile, mais pas tant que ça en faite. La remise en question a fait que chaque protagoniste qu'elle rencontre est plus accessible. D'autant plus, son idée du Tout Nouveau Testament n'est pas dénué de sens car elle prolonge en quelque sorte l'oeuvre que son frère a commencé. Cependant, la structure du conte fait que la finalité est assez superficielle car son miracle à elle au final, c'est Willy. Mais pas que
Bon on va parler de Benoit Poelvoorde alias Dieu. Et bien il est...Benoît Poelvoorde. Oui son jeu est exactement comme d'habitude (de quoi m'enchanter quoi :( ). Cela dit, dans le film cela fait sens. Il joue un Dieu vraiment détestable et odieux qui a travers ses "lois de l'emmerdement" aime tourmenter l'humanité et est écœurant avec sa famille. En clair, on aime bien qu'il s'en prenne plein la poire dans tout le film et qu'il se ridiculise. Seulement il y a un bug. Il ne se remet jamais en question dans tout le film, il devient presque un gag récurrent. Du coup bah...En dépit d'une figure divine proche des dieux olympiens, il provoque de moins ne moins d'impact et son intérêt est de voir sa descente aux enfers.
Symbolisé par le fait qu'il se retrouve en Ouzbékistan dans un fabrique de machine à lavée...fin
Ensuite, La femme de Dieu (jouée par Yolande Moreau) est... le même personnage que Yolande Moreau dans le film Voyage en Chine. Une femme totalement soumise à son mari. D'ailleurs c'est en parti pour lui faire plaisir...que Ea va recruté 6 apôtres
Parce qu'ils auront 18 apôtres au total, comme une équipe de Baseball et non 12 comme une équipe de Hockey...cherchez pas
Elle est assez transparente comme son personnage mais s'épanoui au moment où sa fille a réussis à réunir les 6 apôtres.
Devenant ainsi la Déesse qui régit un monde en fleur où tout est rose, paradisiaque et possible après...avoir fait le ménage en chantant (bon ok là cela devient flippant j'ai cru voir ma mère !)
Et les autres personnages secondaires sont aussi intéressants...sauf un.
Victor (Marco Lorenzini ) est pas mal en clochard qui rédige le Tout Nouveau Testament, il a un relent d'humour assez surprenant et est une bonne figure paternelle pour Ea.
Jésus-Christ (David Murgia ) est...Jésus-Christ en ... grand frère. Il a une bonne relation avec sa mère et sa sœur et non avec son père et inspire un peu Ea dans sa quête. Seulement 2 choses. Un, il aime prendre plaisir aux malheurs de son père (bon ok c'est une comédie mais c'est juste bizarre). Deux...il est quoi exactement ? C'est vrai on ne le voit jamais physiquement dans le film. On dirait qu'il est Dieu au dessus de Dieu (allez-y les athées, islamistes, agnostiques et déistes jetez moi des tomates pourries pour ne pas être laïc ou avoir blasphémé !). C'est assez perturbant (mais en tout cas c'est mille fois mieux que Dieu dans Exodus de Ridley Scott).
Maintenant les apôtres au cas par cas :
Aurélie (Laura Verlinden) est une femme qui a tout ce qu'il faut pour être heureuse mais son apparence et les préjugés l'ont enfermé dans un célibat subit. Ajouté le fait qu'elle possède un bras en moins et vous obtenez un personnage touchant qui n'aspire qu'à trouver le vrai bonheur. Et finira par le trouver de manière inattendu.
Jean-Claude (Didier De Neck) est le fonctionnaire qui déteste son travail et qui n'a jamais voulu profiter de la vie après avoir perdu sa soif d'aventure. Sa connaissance de sa mort et Ea vont lui permettre de tout plaquer afin de poursuivre son rêve. Ses apparitions n'apportent pas grands choses à l'histoire mais forme un personnage témoin de la libération du monde de ses contraintes.
Marc (Sarge Larivière) est l'obsédé du groupe, marqué par sa rencontre avec son unique amour d'enfance. Du coup il est devenu un pervers de faite et motivé par Ea il va se lancer dans la doublage...de film porno
et trouvé l'amour de sa vie dans le même temps et à la fin ils se promènent sous l'eau (ok j'abandonne de trouver une cohérence il n'y en a pas; ce qui va avec l'aspect conte)
François (joué par François Damien) est un tueur à gage qui pense qu'il est la main du destin et qui ne se satisfait pas de sa vie de famille (à cause de Dieu -Poelvoord). L'action d'Ea va de nouveau le remettre en question et trouve futile sa fonction. Mais grâce à Ea, il va tiré sur Martine, tombera amoureux d'elle et
Tombe enceint d'elle à la fin...François Damien enceint je vous jure que c'est vraie
Martine (jouée par Catherine Deneuve)...oui il fallait bien qu'on en vient à elle. Elle est globalement sympathique, sauf que là c'est l'archétype de la femme riche qui n'a pas trouvé son bonheur. Et grâce à Ea, elle trouvera dans les bras d'un Gorille de cirque
Qu'est-ce que je vous voulez que je dise ? C'est un conte ! Et c'est même la chose la moins surprenante du film !
Le dernier apôtre est Willy (Romain Gelin) est un garçon
que sa mère empoisonne, sa crève les yeux
et décide de devenir une fille pour le reste de sa vie
Il s'agit aussi de l'apôtre à mourir le premier
Et paradoxalement il deviendra le miracle d'Ea. Il est quand même touchant et sympathique.
J'ajouterai aussi la plupart des personnages tertiaires qui sont intéressants (à l'exception du prêtre(joué par Johan Heldenbergh )qui aurait du être exploité différemment). Oui ! Le réalisateur a exploité pas mal de personnages tertiaires d'une très bonne manière notamment le couple formé par le vieil homme et son aide soignante et George (joué par Pascal Duquesnes) et sa mère (Viviane De Muynck) . Leur interaction est vraiment bien fait malgré leur peu de temps d'exploitation. Sauf Kevin (Gaspard Pauwels). Ok c'est marrant le running gag du gamin qui défit la mort... mais 4 fois dans le film c'est trop.
L'histoire de ce film est assez bien racontée et est rythmée comme un livre. Chaque chapitre à son importance à la manière d'un Tarentino.
La Genèse qui remonte aux origines de Dieu et d'Ea
L'Exode qui indique le départ d'Ea
Chaque Évangile qui nous fait faire connaissance avec les apôtres
Le Cantique des Cantiques qui est climax final et la délivrance de la mère
Cela fait du film une oeuvre unique en son genre et vraiment poétique. Seulement voilà, il est victime de son coté sans prétentions. En effet, le réalisateur a fait son film comme étant une comédie sur le prolongement de la Bible, mêlé avec un Dieu qui a créé Bruxelles et aux antipodes de ce que l'on croit, mais il lance des pistes de réflexions non abouties juste parce qu'il ne veut pas les voir aboutis. Le meilleur exemple est le prêtre. On aurait pu savoir ce que sa rencontre avec Dieu aurait changé dans sa vie mais non, il devient violent avec lui et un pure sadique. Pareil pour Jésus ! Pourquoi on le voit pas à la fin contempler l'oeuvre de sa sœur à la fin ? Et Dieu-Poelvoorde, pourquoi il ne se remet pas en question. Et j'ai le sentiment que c'est en grande partie pour ça que le film n'a été présent que pour la quinzaine des spectateurs et non en compétitions à Cannes. Et les critiques les plus endurcis repéreront ce défaut (la critique que j'ai lu d'Express a fait pareil). Mais en faite il y a une explication logique : C'est un conte. Le film est racontée à la manière d'un conte, entériné par le climax final
Avec le ciel en fleur dans une ambiance baba cool new age
Ainsi, on ne peut pas reprocher au film de ne pas aller au bout de ces idées car les contes laissent libres courts à toutes les interprétations possibles sans donner la bonne ni exploitée vraiment toutes les idées. Du coup le film peut être perçu soit comme un film très réfléchi sur notre condition de vie, soit comme une comédie bien menée où on peut s'amuser à le retourner sans vraiment trouver un sens. Du coup, il sera perçu différemment selon la manière dont on le percevra.
Disons que je ne sais pas quoi dire. Je ne suis pas un familier du cinéma de Jaco Van Dormael donc je ne peux pas le comparer à ses précédentes productions. Mais il est clair que son film ne laisse pas indifférent (surtout quand on voit son caméo !). Il s'agit d'un film vraiment bien réalisé et avec des scènes touchantes, mais il est dommage que l'aspect comique se révèle parfois un handicap. Bref, un film sans prétentions qui n'est pas vraiment un, une comédie bien rythmée qui avait toutes les clefs en main pour être un chef d'oeuvre et un conte qui assume son identité jusqu'au bout. Si Ea est chez moi, elle entendra du Daft Punk !