Dans le genre film qui divise la critique et le public, le tout nouveau testament de Jaco Van Dormael se pose là. Présenté en primeur et à grands bruits lors de la dernière session de la Quinzaine des réalisateurs cannoise, ce pur produit belge, détournement audacieux des mœurs religieuses, n’aura pas laissé insensible. Alors que certains fustigent lenteurs, morosité, incohérence générale ou mauvaise foi, s’étant attendu sans doute à une énième comédie potache, d’autres louent l’inventivité, l’audace et le vent de fraicheur qui accompagne ce drôle de produit indéfinissable. Pas drôle pour les uns, bijou d’humour noir et de dérision pour les autres, Le tout nouveau testament rejoint les quelques prestiges du cinéma belge ayant aussi bien choqué que séduit. Il s’agit donc de choisir son camp! C’est somme toute assez simple, cela dit. Pour ma part, j’ai été séduit par cette approche culottée, ce pamphlet aussi poétique qu’immoral, cette comédie noire à la portée aisément internationale.
Dieu existe, et il habite Bruxelles. Drôle de postulat, farfelu, au même titre que les évangiles complémentaires que s’efforcera d’immortaliser la gamine du bon dieu, en fuite parmi les mortels. Après avoir balancé la date de décès de tout un chacun, la gosse débarque, poursuivie par son père, Dieu, ordure pathétique et beuglante. On ne comprend certes pas tout, Le tout nouveau testament étant un essai artistique bien avant d’être une comédie populaire. Porté par des talents indéniables, fleuron de l’interprétation belge, Benoît Poelvoorde et François Damiens, entre autre, le film, souvent jubilatoire, marque de par son incapacité à se fixer sur sa branche, le récit étant incontrôlable, déluré et par-dessus tout, souvent absurde. Des errances domestiques de Catherine Deneuve avec un gorille aux pensées meurtrières de François Damiens, en passant par la délicatesse de la gamine et la jouissive méchanceté du Seigneur, alias Poelvoorde, impeccable quoiqu’hurlant plus souvent qu’à son tour, le film nous embarque dans un dédale perturbant mais salvateur car pleinement assumé.
Alors que le cinéma francophone s’embourbe dans la facilité souvent malodorante de la comédie populaire ou du polar Alpha, du côté de Jaco Van Dormael, on essaie, on tente des choses impensables, indéfinissable, et cela semble payer. Du moins auprès de ceux qui veulent bien y croire un peu. Le charme, aussi, de cette curieuse production, c’est la débrouillardise du cinéaste en dépit de moyens peu conséquents. Van Dormael parvient pourtant, avec un amateurisme amusant, à nous offrir des effets spéciaux maisons, accessoirement de très belles images, comme ce balai d’oiseaux aux frontière d’un certain cercle polaire ou encore l’évolution du fameux gorille aux côtés d’une icône du cinéma français. Comme quoi, l’inventivité se mesure aux moyens alloués.
Parfois touchant, parfois drôle, souvent poétique, Le tout nouveau testament, sans prétendre au titre de film majeur, bouscule suffisamment, charme avec ses airs de grand n’importe quoi assumé. Œuvre filmique renégate sur le propos de la religion catholique, qu’elle détourne avec force, le film est sans conteste le plus culotté en 2015, peut-être, en grande partie, du fait de la présence de Benoît Poelvoorde, acteur n’étant jamais meilleur que lorsqu’il joue à la maison, en Belgique. 15/20