Le documentaire Cinema Komunisto a été présenté dans pas moins de 44 festivals. Vancouver, Ljubljana, Chicago, Brighton, Séville, Munich, Tel aviv, etc. Le premier film de Mila Turajlic a fait le tour du monde et remporté au total 13 prix.
Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Italie fasciste (alliée de l’Allemagne nazie) tente d’envahir la Grèce mais rencontre des difficultés. Le Troisième Reich décide alors de rallier au pacte tripartite (Rome-Berlin-Tokyo) la Yougoslavie. Le but est d’apporter un soutien physique aux Italiens en passant par la Yougoslavie puis la Bulgarie. Sous la pression d’Hitler, le pays slave signe le pacte en 1941. Mais de nombreuses manifestations ainsi qu’un coup d’état hostile au Reich, font pencher la Yougoslavie du côté des Alliés (USA, Union soviétique, Royaume-Uni, etc.). Le Troisième Reich décide d’envahir la Yougoslavie. En 1943, le maréchal Tito (Josip Broz) est à la tête du Conseil antifasciste de libération nationale de Yougoslavie. Il parvient à libérer son pays en 1945 sans l’aide des Alliées et en devient le dirigeant.
Tito fut le dirigeant de la Yougoslavie de 1945 à 1980. Après avoir libéré son pays de l’Allemagne nazie, il a lutté pour l’autonomie de la Yougoslavie pendant la Guerre Froide. Son but était d’unifier la Yougoslavie, c’est-à-dire 6 républiques, 5 nations, 4 langues, 3 religions, 2 alphabets, en une seule et même patrie. Le maréchal Tito s’est énormément servi du cinéma pour renvoyer une image positive de son pays, qui durant sa courte existence (1918-2003) n’a eu de cesse de se battre pour sa liberté et son indépendance.
Tito crée en 1945 le studio de cinéma Avala à Belgrade, le deuxième plus grand d’Europe. Il y est majoritairement produit des films de guerre retraçant la résistance héroïque de la Yougoslavie face à l’Allemagne nazie. Ce studio est considéré comme le lieu de naissance de l’illusion yougoslave. Il a renforcé l’unité du pays car il lui a permis de réécrire son histoire, une histoire que les citoyens avaient envie et besoin d’entendre.
Suite à la Seconde Guerre mondiale, deux blocs se font face. Deux superpuissances aux idéologies opposées qui tentent de rallier les autres pays à leurs causes. D’un côté les Etats-Unis, de l’autre l’URSS. Parallèlement à cette confrontation, nait le non-alignement. Un mouvement qui regroupe les pays qui souhaitent se protéger de l’ingérence des deux blocs. Parmi ces pays la Yougoslavie de Tito, communiste mais indépendante de l’URSS de Staline. Le maréchal yougoslave est d’ailleurs un des fondateurs du mouvement des non-alignés. L’URSS ayant apporté son soutien à la révolution cubaine, Fidel Castro ne supporte pas l’opposition de Tito au bloc soviétique. Les deux hommes se livreront ainsi à une joute verbale en 1979, au cours du sixième sommet des pays non-alignés. Les bonus du DVD de Cinema Komunisto contiennent sans doute par ironie la liste des films yougoslaves préférés de Fidel Castro.
Aujourd’hui, le studio Avala n’est plus qu’une ville fantôme sur le point d’être rachetée. La réalisatrice Mila Turajlic considère son documentaire comme une urgence, "une manière de préserver un monde qui a été éradiqué de la mémoire officielle". Elle ajoute : "Quand Milosevic est arrivé au pouvoir dans les années 90, tout signe d’existence de la Yougoslavie de Tito furent de nouveaux supprimées, des noms de rues aux visages sur nos billets. En 2000, poursuivant notre révolution démocratique, de nouveau était déclarée l’année zéro. Je pense que c’est la chose la plus préjudiciable que nous pouvions nous faire à nous-mêmes en tant que société". Cinema Komunisto est d’ailleurs accompagné d’une pétition pour la sauvegarde du studio Avala.
Le documentaire est en partie constitué d’archives exclusives. Pour les trouver, Mila Turajlic a dû faire preuve de patience : "Nous avons mis plus de quatre ans pour faire le film car il était très difficile d’identifier et d’obtenir ces archives. C’était comme un véritable travail de détective, tellement les enregistrements des archives elles-mêmes étaient souvent très peu entretenues."