Ayant acquis depuis la sortie du Prénom une certaine notoriété, on se demande toujours un peu pourquoi, Matthieu Delaporte s’offre ici les services de Mathieu Kassovitz afin de livrer un thriller psychologique relativement original. Il y est question de personnalité, notamment. Un illustre inconnu s’inscrit très clairement dans la mouvance d’un cinéma pessimiste qui s’octroie toutes formes de droits visant à décrédibilisé d’individu esseulé, faisant du pauvre bougre en question un sociopathe, un indéfinissable danger de l’ombre pour tous individus venant à croiser sa route. Kassovitz incarne ici un dénommé Sébastien Nicolas, célibataire, solitaire dont on ne sait presque rien si ce n’est son manque prégnant d’identité. Pour combler cet énorme vide identitaire, le bonhomme, méticuleusement, s’emploie à s’approprier toutes sortes d’identité. Maquillé, déguisé, Sébastien s’acharne à voler, littéralement, l’identité d’un autre, à vivre comme lui, dans son milieu. Mais cette forme de vice le mènera, on s’en doute, vers les complications.
Matthieu Delaporte adopte une réalisation languissante, voire pachydermique, pour dresser le portrait de ce drôle de bonhomme. Le postulat est sombre, noir, et le jeu de l’autre Mathieu, Kassovitz, s’harmonise parfaitement avec la volonté du metteur en scène de faire de son film un thriller paranoïaque, glauque. L’introduction, qui donne clairement le ton, s’avère bien utile quand à la levée du rideau, intervenant une petite heure plus tard. Tout est soigneusement inscrit dans les pages d’un scénario audacieux, peut-être un peu trop. Si l’on apprécie l’idée, cette forme de perversion, on ne peut que juger les imperfections, tant techniques que narratives. La crédibilité des situations devient compromise, parfois parce que les maquillages du comédiens sont visible de loin, la nuit et par temps brumeux, ou d’autres fois du fait d’un scénario qui voit large mais qui oublie les détails, des détails importants. En somme, tout n’est pas parfait, narrativement. Mais n’est-ce pas d’abord l’intention qui compte?
Dans ce cas précis, l’idée sauve la narration. On ne fait dès lors que peu de cas des petites incohérences tant le personnage principal s’avère curieusement fascinant. Le twist indispensable, à mi-parcours, ouvre toutes sortes d’horizons et l’on suit, jusqu’à la fin, les péripéties d’un homme s’étant mis les deux pieds dans un monceau de fumier. S’en sortira-t-il indemne? La question est pertinente et le film mérite alors d’être vu jusqu’à son final. On pourrait toutefois regretter que le cinéaste et son scénariste aient optés pour un certain embourgeoisement des personnages. Oui, quitte à s’octroyer l’identité d’un tiers, il aurait été préférable que le fameux Sébastien Nicolas prenne l’apparence d’un type lambda et non pas d’un musicien terne et énigmatique, un homme détestable tant il est élitiste, un type morne dont on ne peut cerner ni l’âge ni l’ethnie.
En concision, disons sans trop nous voiler la face qu’Un illustre inconnu est un exercice partiellement réussi, ce qui n’est déjà pas si mal. Si durant la première heure on hésite entre dépit, curiosité ou cruelle envie de passer à sa série préférée, la seconde partie relève le niveau, notamment de par ce twist, toujours lui. On pourra alors saluer le cinéaste pour avoir osé mettre en scène ce film relativement déprimant mais aussi réjouissant pour ce qui touche au cinéma de genre français, au thriller, un genre qui s’apparente souvent à la tentative en France mais qui pourrait redorer le blason de certains noms du cinéma. Mathieu Kassovitz, quant à lui, profite de l’occasion pour démontrer qu’en dépit de toute polémique, il est un acteur sur qui on peut compter. Il est en vérité le premier bénéficiaire d’un Illustre inconnu. 11/20