Depuis un certain Projet Blair Witch, le cinéma du XXIe siècle ne vit que pour le found footage (utilisation de la caméra subjective). Que ce soit pour des séquences de quelques minutes ou bien des films dans leur intégralité, le paysage cinématographique use toujours de ce procédé et ce pour n’importe quel genre : horreur ([REC], Paranormal Activity, Le Dernier Exorcisme…), fantastique (Cloverfield, Chronicle…) et comédie (Projet X), principalement. Un style auquel nos chers réalisateurs nationaux n’avaient pas encore osé s’y risquer. Jusqu’à 2014, année de la comédie qui a vu l’émergence d’un nouveau grand titre avec Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? et un autre succès surprise, Babysitting, le premier long-métrage français en found footage.
Babysitting ou Projet X version française. C’est la première chose qui nous vient aussitôt à l’esprit dès l’aperçu des extraits et du synopsis : une soirée d’enfer qui dégénère au plus vite durant laquelle vous pouvez être les témoins de moments totalement loufoques. Le tout enregistré par une banale caméra numérique, comme si vous étiez le réalisateur de ce petit film amateur. Il ne restait plus qu’à espérer que Babysitting ne tombe pas dans l’excès de décadence propre à son homologue américain. Rappelez-vous de ce dernier : un caméraman étranger au scénario, des passages too much (un nain sortant du four, un mec au lance-flamme), un dénouement débile (le père fier de son fils alors que la maison est en ruines) et les codes du found footage qui ne sont nullement respectés. Projet X hésitait entre réalisme et gros délire, ce qui lui faisait perdre son côté comique. Babysitting, heureusement pour lui, évite toute cette surdose.
N’omettant pas certains passages qui font Projet X, le film préfère amuser avec des situations plus sobres, qui ne sortent jamais de l’ordinaire. Vous vous rendrez alors compte qu’il est beaucoup plus drôle de voir des mecs tentant de réanimer un perroquet après que celui-ci ait percuté un ventilateur. Le héros droguant Rémi aux somnifères afin de passer une soirée sans danger. Notre troupe de bras cassés fuyant la police au volant de la voiture du patron. Un personnage tellement à l’Ouest qu’il provoque tout un lot de quiproquos. Vous l’aurez compris : Babysitting est un bien meilleur représentant de la comédie en found footage que Projet X, même s’il ne respecte pas pleinement les codes de ce style de mise en scène (un caméraman qui filme alors qu’il ne devrait pas, des scènes coupées quand ça arrange le script…).
En même temps, Babysitting possède un atout que Projet X avait oublié de mettre en avant : présenter de vrais personnages. Pas des guignols qui ne pensent qu’à faire la fête, mais plutôt des protagonistes qui ont une histoire à raconter. Par là, il faut entendre le fait que Franck rêve de publier sa toute première BD (véritable enjeu de l’histoire), que Rémi désire avoir un père bien plus présent pour lui, que Sonia est une ex de Franck avec qui la relation peut renouer durant cette soirée. Plein de petits détails scénaristiques de ce genre, avec en prime des comédiens qui s’amusent et se donnent à fond, qui permettent d’avoir des personnages véritablement attachants et drôles (notamment Ernest et Sam). Après, cela fait également plonger le film dans les bons sentiments, au risque de plomber le rythme du film (le passage au parc d’attractions et le final paraissent roses bonbon face au reste du film).
Attention, ne vous attendez pas à un film 100% found footage ! Babysitting comporte aussi bon nombre de séquences filmées de manière classique. Un ajout qui s’avère être une excellente idée pour le film, permettant d’avoir un gros bonus question qualité et efficacité : l’introduction de nouveaux personnages hilarants (comme ce flic aux goûts discutables) et du passage en found footage, un parallèle comique entre les protagonistes spectateurs de la vidéo et ce qui se passe sur cette dernière, une émotion qui pointe le bout de son nez par moment… Tout a été pensé pour que Babysitting ne soit pas une énième comédie française qui use d’un procédé à la mode. Mais plutôt le divertissement idéal pour arracher des rires aux personnes les plus sceptiques qui puissent exister.
Une bien bonne surprise que ce Babysitting, qui prouve que la France a encore quelques atouts en poches pour livrer des comédies réussies. Et que le found footage n’est pas un style cinématographique exclusivement réservé aux Américains (qui semblent avoir en ce moment le monopole), qui préfèrent l’utiliser pour l’horreur plutôt qu’oser se diversifier.