Dans la lignée de Case Départ et du Crocodile du Botswanga, Thomas N’Gijol réalise son premier long métrage en solo, Fast Life. Malgré l’absence de son comparse Fabrice Eboué (qui fait tout de même un caméo), on retrouve tout le sel de l’humour made in Djamel Comedy Club. Comme à son habitude, N’Gijol, sur un ton pince-sans-rire, expose avec brio, les problématiques qui lui tiennent à cœur, notamment l’intégration, et la culture urbaine. Nous étions à l’avant-première du film qui sortira le 16 Juillet 2014.
Franklin Ebagé a obtenu une médaille d’argent, en courant le cent mètres, aux jeux olympiques. Il y a sept ans, sur un malentendu. Il n’a jamais réussi à renouveler l’expérience. Les sponsors l’ont abandonné. Il vit dans le souvenir de sa gloire passé, et ne veut qu’une seule chose, continuer à briller. Il accumule les gaffes en défaveur de son couple avec la trop gentille Pauline (Karole Rocher), de son manager, Lionel (Julien Boisselier), de son sponsor, Jeno (Olivier Marchal), et de son meilleur ami, Samir (Yazid Ait Hamoudi).
Moins direct dans le verbe que dans ces précédentes participations cinématographique, Thomas N’Gijol excelle ici dans les mimiques dont il affuble Franklin Ebagé. Après Le crocodile du Botswanga, il recommence avec un rôle de salaud excentrique, l’ombre de Sasha Baron Cohen semblant poindre sur sa carrière. Cependant, N’Gijol réussit là où Baron Cohen rendait lourdingues ses réalisations : l’humour est plus léger, les textes mieux écrits, et N’Gijol n’exagère pas ses postures jusqu’à l’indigestion. En réalité, N’Gijol a une réelle tendresse pour ses personnages. Et cela change tout, il sait les rendre à la fois drolissimes et attachants. Et lorsqu’il fait dans la satire politique, ce n’est jamais grossier, mais plutôt distillé par petites touches bien ancrées dans la vie des protagonistes.
Franklin Ebagé collectionne les paires de basket et ramène une nouvelle paire à chaque fois qu’il va faire les courses. Au désespoir de sa compagne, Pauline. Franklin est un grand enfant, incapable de s’assumer tout seul, et Pauline gère toutes les dépenses. Malgré cela, elle aime d’un amour sincère et accepte beaucoup de choses. Seulement voilà, Franklin est un connard égocentrique imbu de sa personne. Voilà sept ans qu’ils vivent en couple, et il ne sait même pas qu’elle est la métier de Pauline. De plus, il la trompe. A contrario, et ce sont les meilleurs moments du film, Franklin se révèle avoir un cœur soupe-au-lait, et se met à chialer à la moindre émotion. L’occasion pour N’Gijol de donner tout son sens au comique de gestes.
Enfin, Thomas N’Gijol interroge ses origines, comme dans ces précédentes collaborations. Ici, au travers d’un voyage au Cameroun dans le but de se ressourcer et de préparer les jeux. L’occasion de retrouver un ami d’enfance, et de faire preuve de beaucoup d’autodérision sur ses racines camerounaise. Là aussi, notre comique se permet de rire de tout, en posant toutefois un regard respectueux, même sur les travers qu’il dénonce. Il en va de même pour les interventions du gangsta-rappeur français Kaaris, dans son propre rôle, qu’il prend un malin plaisir à présenter sous un jour moins gangsta…
Comme nous vous avions conseillé Le Crocodile du Botswanga, nous réitérons nos conseils pour Fast Life. Pour nous, N’Gijol tient le haut du pavé en matière de comédie francophone. Il fait sienne la maxime qui dit que l’on peut rire de tout. Et nous, nous réaffirmons qu’on peut le faire avec n’importe qui, tant que l’humour est bienveillant, et fait feux de tous cotés. Alors que l’essentiel de la production cinématographique humoristique tend à se moquer d’une catégorie de personnes extérieure à l’univers des auteurs des dites comédies, N’Gijol fait partie de ceux qui rient d’abord d’eux-mêmes, et en cela, son œuvre est plus proche de nous.
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