Mouairf… Bon… Non. Clairement non. J’aurais beau tourner le problème dans tous les sens, le constat sera toujours le même : je n’ai pas aimé ce « Dragons 3 ». Et oui j’ai bien parlé de « problème », parce que moi, à la base, « Dragons » j’aime beaucoup, et il m’a été dans un premier temps assez difficile de comprendre les raisons d’un tel écart de ressenti. Bah oui, à regarder comme ça, « Dragons 3 » sait réinvestir à la perfection tout ce qui faisait la force du premier opus. Techniquement c’est remarquable. La mise en scène sait toujours aussi bien mettre en valeur les décors que les impressions de vitesse. L’histoire parvient à réinvestir les éléments des précédents opus, qu’il s’agisse des personnages comme des péripéties, tout en les revitalisant avec du sang neuf (les combinaisons volantes, la furie-éclair, le monde caché…). Et en plus de cela ce troisième opus apporte une vraie conclusion à l’ensemble de la saga, lui apportant par la même occasion une vraie cohérence d’ensemble. Donc, non, pas de fausse note à première vue. Ça ressemble même à un sans-faute observé comme ça… Alors pourquoi j’ai si souvent soupiré devant ce film ? Pourquoi je suis resté avec l’encéphalogramme et le cardiogramme totalement plat ? Pourquoi j’ai aussi régulièrement regardé ma montre durant toute la séance ? Il est où le problème ? C’est moi le problème ou quoi ? Peut-être qu’oui après tout… A moins que le problème soit plus vicieux que ça. Parce que l’air de rien, il y a quand même quelque-chose qui a considérablement changé entre le premier et le dernier opus. Et d’ailleurs, je me rends compte avec le recul que ce problème était déjà en train de s’installer dans l’épisode 2. Ce problème, c’est qu’il s’est quand même opéré un changement de ton assez radical entre le début et la fin de cette saga. Clairement, on ne nous raconte plus la même chose et surtout on ne tient plus du tout le même discours. Alors c’est vrai qu’à première vue, il n’y a pas l’air d’y avoir de changements majeurs. C’est toujours l’histoire du gentil Harold qui essaye de se construire une identité de chef tout en défendant son idéal de société fraternelle entre humains et dragons. C’est aussi et toujours un basique schéma de parcours initiatique durant lequel les épreuves permettront au héros de se forger. De même, on retrouve également cette démarche discursive qui consiste à dire qu’on peut gagner quelque-chose en en perdant une autre… Sauf qu’il y a quand même au milieu de tout cela une différence de taille. Le premier épisode nous racontait l’histoire d’un jeune garçon qu’on méprisait parce qu’il n’avait pas l’étoffe d’un chef ; parce qu’il ne correspondait pas à l’idéal viriliste de la société viking. Et ce jeune garçon va apprendre à lutter contre ces représentations en faisant la rencontre d’un dragon qui ne correspond pas non aux représentations malveillantes qu’on lui avait données. Ce film était un appel à la construction des individus et des sociétés par la déconstruction de représentations et de mythes qui emmuraient les esprits de chacun. A la fin, le problème de la guerre entre humains et dragons se réglait en créant une société nouvelle où humains et dragons pouvaient cohabiter ; de la même manière qu’on règlait les problèmes de mal-êtres au sein de la société humaine en arrêtant de présumer des forces et faiblesses de chacun en raison de leur corpulence, de leur sexe ou de leur âge… Moi c’était ça qui m’avait clairement permis de me projeter dans la très belle aventure visuelle qu’était « Dragons » premier du nom… Or, quels sont devenus les enjeux dramaturgiques de cette saga en deux épisodes de temps ? Il ne s’agit plus de s’émanciper par la déconstruction. C’est même tout l’inverse ! L’épanouissement passe par la conformation sociale, le respect de l’autorité naturelle et – pire – le repli sur soi. Dans son discours, dans son atmosphère et dans son ton, ce film est l’antithèse de « Dragons ».
Non mais c’est quoi ce monde où, pour devenir heureux, il ne faut surtout pas chercher à changer les choses ? Le premier opus nous avait dit qu’on pouvait remettre en cause la hiérarchie sociale ? Bah ce troisième nous dit que non. En fait il nous faut un chef à barbe qui porte le pouvoir à lui tout seul. Et pour rendre ce pouvoir supportable, il a besoin d’une femme dont le rôle sera de l’épauler et de le conforter dans son ego et dans sa puissance de mâle alpha. D’ailleurs, en parlant d’alpha, ce qui est valable chez les humains est aussi valable chez les dragons hein… Krokmou il va enfin pouvoir devenir un dragon heureux en retournant auprès des siens pour exercer sur eux le pouvoir absolu de droit divin que sa nature de furie nocturne lui a conféré. Et bien évidemment tout cela se fait en présence de sa poule soumise qui lui laisse gentiment le pouvoir alors que bon, elle était là depuis largement plus longtemps que lui mais bon, hein, primauté au mâle, tu comprends, c’est la nature qui l’a voulu, toussa toussa… Et d’ailleurs c’est quoi ce message de fin ? Pour vivre heureux, vivons chacun de notre côté ! En fait – reniement total – c’était une connerie de vouloir faire une société où on se côtoie tous. En fait on va vivre chacun de notre côté parce qu’en vrai, faut pas mélanger les torchons et les serviettes. A chacun sa case parce qu’au fond c’est bien mieux comme ça. Les humains ne sont pas FAITS pour changer. Donc au lieu de se confronter au problème, il faut FUIR le problème. La fatalité, le repli sur les traditions et l’espoir vain d’un monde meilleur qui ne viendra sûrement jamais, voilà qui est bien plus sain que de participer quotidiennement à l’élaboration d’une société meilleure !
Non mais tu m’étonnes que je ne vibre pas face à un film pareil ! Tu auras beau me mettre les plus beaux décors et la réalisation la plus chiadée qui soient, si à côté de ça tes personnages sont TOUS devenus d’obscurs droitards conservateurs, moi ça ne peut plus me parler ! Comment tu veux que je m’émeuve d’un film qui me dit : « bon allez rentrons dans les clous et chacun dans sa case parce qu’au fond ça sert à rien de changer les choses… » Woh ! Mais c’est ça pour toi une grande épopée Dean DeBlois ? C’est ça pour toi une belle fin ? Non mais oh ! Il t’est arrivé quoi dans ta vie pour que tu vires du premier « Dragons » à ÇA ?! C’est triste à dire, mais la lutte est en fait loin d’être gagnée en fin de compte. Moi qui pensais qu’avec le tournant (totalement inattendu) opéré par Disney sur cette dernière décennie on avait laissé une partie du pire derrière nous, voilà la preuve qu’en fait il faut savoir rester vigilant. Alors après, bien évidemment, tout ce que je viens d’exprimer, c’est la réaction d’un spectateur adulte qui a un minimum conscience de ce qu’on lui raconte, mais il va sans dire que les petits loulous, eux, sauront se régaler de ce spectacle dont ils ne verront que les effets pyrotechniques et les effets de manche. D’ailleurs, je pense que ça marchera aussi sur les adultes aux mœurs plutôt conservatrices (…et y’a pas de mal à ça) Après tout pourquoi pas. Il en faut pour tout le monde. A chacun son cinéma. A chacun sa case. Sur ce point là, ce n’est pas Dean DeBlois qui me contredira… ;-) Bon après, tout ceci n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)