En dépit du vertige conceptuel que suscitent fréquemment les superproductions indiennes, ‘Power of an Indian’ s’avère un morceau de choix entre toutes, quelque chose comme le ‘Citizen Kane’ du comique involontaire et du script sous acide. Qu’est ce qui donne ce réel avantage concurrentiel à ce croisement handicapé de ‘Rambo’ et ‘La mémoire dans la peau’ ? Ce ne sont sûrement pas ses numéros dansés qui piquent les yeux, après tout présents dans à peu près n’importe quelle production du pays. Ce n’est pas non son patriotisme primaire, à la lisière même de la xénophobie crasse, qui imprègne tout le film, avec ses quelques “bons musulmans”-prétexte qui ne font jamais oublier la cruauté méphistophélique de ces terroristes pakistanais tout en barbe et en sourcils charbonneux, qui ne font rien que de vouloir souiller la civilisation indienne. Et ce ne sont bien évidemment pas ses presque trois heures de développement narratif auquel on ne comprend rien sans pour autant avoir l’impression d’y perdre grand chose : j’ai maté ‘Power of an indian’ en version originale (c’est à dire en télougou) sans sous-titres...mais croyez-moi, improviser le doublage au fur et à mesure que se succèdent les incroyables aventures de Vijayendra Varma - rebaptisé “Commandant Moustache” dans ma version à moi - est un plaisir de fin gourmet. Non, ce qui fait de ‘Power of an indian’ une expérience de l’extrême, ce sont ses hallucinantes scènes d’action, qui défient à la fois les lois de la bienséance filmique et de la gravité. Systématiquement filmées selon des angles de vue qu’on n’aurait jamais choisi, truffées de ralentis qu’on n’aurait jamais calés à ce moment, elles constituent d’authentiques moment de grâce nanardesques, un rêve en image d’enfant de 5 ans qui déciderait “Et on disait qu’il pouvait voler” parce que oui, Vijayendra peut voler. Enfin, pas tout à fait, mais il peut sauter par-dessus plusieurs véhicules en se projetant les pieds en avant. Il peut arrêter un camion en tendant une corde entre deux palmiers. Il peut cabrioler sur une falaise à pic juste pour sauver le lapin domestique de sa fille (qui va morfler sévère tout au long du film, vu que tout le monde parle et fait des grands gestes en le tenant par les oreilles). Il peut flanquer leur raclée à dix malandrins en même temps, en distribuant les mandales qui font “Chpaf” et en les saisissant à la gorge pour les étrangler (étrangement, ça fait aussi “Chpaf”). Avec son petit format, Vijayendra, c’est tout simplement le Tom Cruise indien...mais avec un casque de cheveux gominés. Et une moustache. Et un peu de ventre. Du coup, c’est aussi un peu le José Garcia indien. Et que dire de cette scène finale, qui explose tout ce qu’on croyait possible en matière de kitsch ? Pour vaincre son ennemi juré, Vijayendra va faire appel au pouvoirs des éléments (volcans, foudre, bon là, ça reste soft) mais aussi aux pouvoirs des dieux de l’hindouisme, de leurs avatars panthère ou éléphant qu’on n’identifie pas bien, au pouvoir de la nation indienne (une carte du pays) et de ses figures historiques pas trop identifiables non plus (après quelques recherches, le type très poilu avec un arc s’appelle “Alluri Seetharama Raju” et le mec couvert de médailles est “Subhas Chandra Bose”, qui était aussi un sympathisant de l'Allemagne hitlérienne). C’est vrai que le pouvoir de Gandhi, bon, c’était sans doute pas hyper visuel) ; ensuite, Vijayendra le flanquera hors de l’avion, avant de le cribler de balles et de l’empaler avec un drapeau indien (tout ça avant qu’il ait touché le sol). Je suis sorti de cette séquence incrédule, lessivé...j’avais presque du mal à réaliser ce à quoi je venaist d’assister tant mes illusions sur ce qui était représentable à l’écran avaient été définitivement bouleversées. Il est à noter que sur la version disponible sur Youtube, le film semble avoir été encodé dans une version légèrement accélérée, ce qui lui donne de petits airs de film de Charlie Chaplin, et ne le rend que plus délectable !