Y-a-t-il obligation ou numérus clausus à respecter quant à l'emploi ou 'l'utilisation' pour avoir recours à un discours utilitariste d'un personnage de femme dans un film? Sommes-nous contraints à respecter un quota positif de représentations féminines dans un contexte de création, objet même d'une grammaire cinématographique mais pas de contraintes fictionnelles?
En somme, souhaitons-nous un retour au Hays Code à l'envers qui borde de critères obligatoires toute fiction, contraignant un acte de création à ce qu'il doit ou ne doit se permettre en matière de parti pris narratif?
En fait, on peut se poser la question l’envers. Y-a-t-il un personnage masculin positif dans le film? La réponse est en fait, non. A part la figure du frère et, ainsi celui de sa femme, que l'on voit peu - puisque c'est la relation fraternelle qui est le focus - qui, elle se bat pour protéger son foyer et ses enfants.
Pourquoi ? Parce que comme son mari, elle, est sortie de l'enfer du schéma de la répétition sociale. En effet, l'idée fondamentale ne réside pas ici dans la question du genre mais dans la question du milieu sociale et culturel. En bref, mêmes causes, mêmes effets.
La femme de Samy ne vaut guère plus ni moins que lui. Tous deux, au-delà de leur sexe ou de leur genre sont les fils et les filles des quartiers mal irrigués en force de vie 'positive'. Ce sont des pissenlits qui ont poussés sur la rocaille des trottoirs de la nuit. Donc, il est voyou, elle est mère junkie et indigne. Preuve en est. elle, blonde, blanche, non-musulmane est attirée par un brun, basané, musulman. Leur acte d'émancipation à eux est là. Leur transgression communautaire est un manifeste qui les fait sortir d'eux-mêmes tout en demeurant ce qu'ils sont par contexte socio-culturel. D'ailleurs sa femme le 'trompe'. Cette femme blonde comme la neige qu'elle tape sur le miroir, se tourne vers un beau 'black', métis et plein de barres de chocolat et de biceps au corps. Elle se 'révolte' en se soumettant aux clichés de beauté et d'attraction de son milieu. Le même que celui de Samy.
Allons plus loin.
A deux reprises - pour dire que les hommes sont des sacrés raclures dans 'Voyoucratie' - puisque c'est là leur royaume, Samy est animé par des pulsions sexuelles irrépressibles qui s'apparentent à celles du violeur. Par deux fois, une fille brune en rentrant de soirée et une fille blonde sous un tunnel qui ressemble étrangement à la mère de son enfant, sont les cibles de ce deuxième 'moi' que, par le remarquable jeu d'acteur de S.Kechiouche l'on voit poindre sur son visage, surgissant par-delà le premier 'moi', poussé par une indomptable pulsion de viol. Jusqu’à ce que ce 'second' moi, diabolique, habité, ne soit rattrapé par le premier 'moi' de Samy qui réapparait soudainement sur ses traits hagards, alors que sa blonde proie le supplie sous la menace de son cutter et que revenu à lui, il la relâche.
Samy ne serait peut-être pas 'doté' - dramaturgiquement parlant j'entends - d'une telle pulsion si les figures féminines étaient nombreuses, apaisées et positives autour de lui. C'est PRECISEMENT parce qu'elles ne le sont pas, qu'elles sont absentes ou embarquées dans les mêmes tourments sociaux, qu'il est cette bête affamée de sexe dont il est privé. C'est parce que, voyou dans un monde d'hommes, et de surcroît dans un monde d'hommes musulmans qui ne s'accordent que des filles payées et décadentes, que Samy est ce fils de la rue et de la nuit, sans père, sans re-père, affublé d'une redoutable FRUSTRATION émanant d'une séparation totale d'avec le monde des femmes. C'est précisément cette absence qui le constitue en tant que maillon friable.
Ce n'est pas son genre qui fait son milieu mais son milieu qui fait son genre.
Il en est de même, pas plus, mais guère moins pour sa femme, mère de son enfant.
Par delà les genres: La vie, sous les mêmes lunes, crée les mêmes bêtes aux abois.