Si vous détestez les found footages, passez votre chemin. Si "Le Projet Blair Witch" vous a laissé de marbre, changez carrément de pays car "Willow Creek" n'est définitivement pas pour vous et on ne pourra hélas sans doute pas vous faire changer d'avis.
Un couple part faire un documentaire sur les traces du Bigfoot avec pour objectif ultime de camper sur les lieux du tournage de la célèbre vidéo de 1967 réalisée par Roger Patterson et Robert Gimlin...
À vrai dire, il est presque ironique d'évoquer "Le Projet Blair Witch" pour parler de "Willow Creek". En effet, si le film de Bobcat Goldthwaith est sorti en 2013, il s'est clairement fait éclipser en renommée l'année suivante par "Exists" d'Eduardo Sánchez (co-réalisateur justement du "Projet Blair Witch"), également un found footage sur le même sujet qui, lui, choisissait une approche beaucoup plus démonstrative en dévoilant assez vite son Sasquatch le temps d'attaques certes fugaces mais très répétées. Visiblement dans une logique d'aller à contre-sens du minimalisme de ses débuts, Eduardo Sánchez n'allait finalement livrer qu'un found-footage oubliable de plus n'ayant que pour seule originalité son Bigfoot de sujet... et par la même occasion faire complètement disparaître "Willow Creek" des écrans radars (le film n'est jamais sorti en France).
On ne peut que le regretter car le found footage de Bobcat Goldthwait va, lui, justement renouer avec l'approche minimaliste redoutable du "Projet Blair Witch" que son co-créateur semble avoir renié et devenir véritablement LE faux-documentaire terrifiant sur le Bigfoot que l'on attendait. Imaginez simplement la séquence de la tente et des bruits d'enfants du "Projet Blair Witch" étirée sur vingt minutes en temps réel et vous aurez une idée du moment d'angoisse d'anthologie que vous réserve "Willow Creek"...
Avant cela, vous passerez une bonne moitié du film à suivre les pérégrinations de ce couple fort sympathique formé par Jim et Kelly. Lui est un fervent croyant en l'existence du Bigfoot, elle, une plus que sceptique sur le sujet, et tous deux vont parcourir au fil d'interviews les quelques villages environnants devenus des hauts-lieux du tourisme "sasquatchien". Bigfoot burger, Bigfoot motel, statues ridicules de l'homme singe légendaire, personnages un peu allumés voire hostiles... Leur regard cynique sur le développement commercial autour du mythe sera l'occasion de quelques notes humoristiques bienvenues surtout lorsque Kelly s'amuse à titiller le regard de fascination enfantine de son compagnon sur ce "mystère" cryptozoologique (à noter que le film élude totalement le fait que la vidéo de Patterson-Gimlin est un canular démontré, Jim y croit dur comme fer). Évidemment, les réfractaires au found footage se plaindront qu'il ne se passe absolument rien durant cette partie mais celle-ci noiera justement un détail capital au milieu de toutes ces apparentes banalités qui aura une très grande importance sur les évènements des dernières minutes du long-métrage (les spectateurs les plus avisés du genre le noteront assez vite dans un coin de leur tête).
Puis arrive la virée en forêt pour rejoindre l'endroit où s'est tournée la vidéo de 1967 et surtout cette première fameuse nuit sous la tente qui va faire exploser tous les baromètres d'angoisse pendant près de vingt minutes.
Le spectateur se retrouve soudainement comme un troisième occupant dans cette tente, au côté du couple, à guetter le moindre bruit dans un long plan fixe qu'on ne voudrait jamais voir s'arrêter tant la montée d'adrénaline pure ne cesse de croître. La peur primaire, viscérale et quasi-instinctive qui se dégage de cette séquence l'emporte instantanément, nous faisant au choix coller (fusionner ?) à notre fauteuil ou ronger nos ongles jusqu'à l'os, et surtout elle nous passera l'envie d'aller camper en forêt pour les dix prochaines années. Comme on l'a dit plus haut, si la séquence de la tente du "Projet Blair Witch" vous a fichu une trouille bleue, celle-ci risque de vous décolorer les cheveux dans une jolie teinture blanchâtre.
Et c'est en cela que Bobcat Goldthwaith retrouve l'esprit du film de Daniel Myrick et d'Eduardo Sánchez, en tirant le meilleur de l'approche du found footage, procédé trop souvent galvaudé, pour exprimer la terreur à l'état brut comme on la ressent rarement.
On se taira sur la teneur de la fin et on vous rappelera de bien suivre la première moitié pour saisir sa signification (si vous êtes un habitué du genre, nul doute qu'elle ne fera aucune difficulté) qui réussit à distiller un peu plus d'horreur a posteriori dans notre imagination sur les évènements qui ont cours dans cette étrange forêt.
Dans tous les cas, "Willow Creek" s'impose clairement comme le film contemporain traitant du Bigfoot le plus angoissant que l'on ait vu.
Allez zou, on part revendre notre matériel de camping, il ne servira plus après ça... et le DVD de "Exists" aussi en passant.