Week-ends, le quatrième film d’Anne Villacèque est sorti en semaine. Un film dramatique français au titre évocateur, tel qu’on aime les moquer dans les médias. Un film intello diraient certains, je dirais un film intelligent.
Christine (Karin Viard)et Jean (Jacques Gamblin), d’un côté, et Sylvette (Noémie Lvovsky) et Ulrich (Ulrich Tukur), de l’autre, forment les deux faces d’une même médaille. Les deux couples, qui se sont rencontrés dans les années 80, ne se sont plus quittés. Et tous les week-ends, ils se retrouvent dans leurs deux maisons qui se font faces, dans la campagne normande. Leur vie, réglée comme du papier à musique, est bouleversée par une fausse note : un matin, Jean quitte Christine. Sans trop d’explications, il veut « vivre ailleurs ». Les rapports changent alors imperceptiblement entre Christine et ses deux amis de toujours, qui doivent concilier l’amitié intacte qu’il porte à Jean, et leur envie d’adoucir la tristesse de leur copine. Ulrich, certainement marxiste, propose à Christine, de faire « du passé, table rase ».
Week-ends, c’est un peu la douceur de vivre. C’est l’espérance d’un grand nombre, de pouvoir s’établir loin des villes, loin de leur folie. Ne serait-ce que pendant les congés ou les repos. Mais c’est aussi une illusion, car un rien peut faire s’étioler le rêve. Et puis, après tout, c’est aussi, dans le calme, l’occasion de réfléchir sur sa propre existence. Paradoxalement, la villégiature permet de se retrouver face à soi-même aussi sûrement que le travail peut aliéner. Et de là, de terribles constats peuvent surgir. C’est un peu ce qui arrive à Jean, qui se réveille un matin pour fuir ses responsabilités, vit un temps l’illusion de sa jeunesse perdue auprès d’une autre femme, pour finalement, revenir en arrière, dans un autre mirage. Jean n’est pas un mauvais type, Jean est un type perdu, qui réalise qu’il n’a jamais vraiment eu d’amis, et qui, dans sa solitude, affronte des tourments qui hante tous les mortels. Jacques Gamblin, pourtant rude gaillard, se retrouve ainsi, nu, dans la cuisine de ses amis, observant la nuit à travers les carreaux embués, sanglotant et implorant Ulrich de le serrer dans ses bras. Il y a ceux qui nient l’inéluctable, comme Ulrich, et ceux qui ne le supportent pas, comme Jean. Week-ends, au rythme des saisons, nous ramène à notre condition funeste. Nul ne peut échapper à cette vie qui s’écoule lentement entre nos doigts, et que nous berçons d’illusions. Cependant, tels Sylvette et Ulrich, qui écoutent un soir à leur fenêtre Jean jouer la Casta Diva de l’opéra Norma de Bellini, on doit apprécier la beauté de chaque instant. Celle-ci réconforte toujours les cœurs sensibles et mélancoliques. Pendant ce temps, leurs enfants vivent l’innocence de ne pas connaître, encore, ces angoisses que l’on acquit trop vite en vieillissant. Faisant de l’enfance, ce court moment d’éternité où la mort n’existe pas. Charlotte (Iliana Zabeth), la fille d’Ulrich et Sylvette, incarne cette insouciance perdue.
Week-ends, est une œuvre sensible, illuminée par la froide lumière normande. Des scènes de la vie, simples certes, mais qui en sont l’essence même. Ce cinéma-là a été beaucoup décrié ces dernières années. C’est pourtant, le genre qui se rapproche le plus de nos poètes et le plus fidèle à son grand-frère, le théâtre. Le dénigrer, c’est souvent faire preuve d’insensibilité. Vouloir sa fin, pour des copies de copies formatées, c’est vouloir un cinéma dénué d’amour. Ce cinéma français-là, n’est peut-être pas fabriqué pour battre toutes les audiences, mais je suis convaincu qu’il ne peut pas, ne pas parler au cœur des Hommes.
Lire nos autres critiques sur Une Graine dans un Pot :