Israël, petit pays du Moyen-Orient, terre d’asile d’un peuple opprimé. De là-bas viennent beaucoup de choses, mais une en particulier retiendra notre attention. Il s’agit d’un film : Big Bad Wolves. Serait-ce une référence au petit chaperon rouge ? Au niveau du loup, rien n’est moins sûr, pour le reste, on aperçoit quelques clins d’œil, mais c’est dans sa volonté de transcender (cela me rappelle un mauvais film) le conte originel (surtout le côté animal) que le long-métrage s’avère être une pépite cinématographique comme on en voit peu.
De par ses personnages, le film arrive à ancrer ses idées scénaristiques dans quelque chose de concret. Un policier vu comme façade de la justice, un homme cruel symbolisant la vengeance guidée par une volonté inaltérable, et enfin le loup, ou plutôt les loups. En effet Big Bad Wolves s’attarde à souligner le côté bestial de chacun de nos personnages, à la fois outils et victimes de persécutions pour mieux extraire cette cruauté sadique, ce reflet ténébreux qui fait la chair des personnages et assure la consistance d’un récit percutant de fluidité. Le nombre de protagoniste est réduit à son minimum pour se concentrer sur un trio d’hommes, à l’image de Le bon la brute et le cinglé, mais avec une profondeur et une intensité dans le drame qu’il n’y a pas dans le film de Kim Jee-Won, non pas que ce dernier ait à en souffrir. Ici, on entre en communion avec les personnages, tous étant équitablement développés. De ce fait leurs (més)aventures demeurent plus touchantes à mesure que l’histoire progresse, la gradation d’intensité jouant à la fois un élargissement de la puissance des enjeux et un resserrement de l’étau liant le spectateur au film, pour concentrer cette puissance. Cela est rendu notamment possible par le jeu des trois acteurs principaux, flamboyants de justesse. Passant par le cynisme à la limite du second degré toujours efficace (les coups comiques sont extrêmement jouissifs) aux envolées de cruauté magistrales, ils apportent une substance à leur personnage en plus d’être des sources de charisme immédiates. Que demander de plus ? Et bien nous allons voir que le film apporte beaucoup plus.
Pour le meilleur, le récit prend parfois des proportions de contes. Tout est à très petite échelle, on se demande s’il y a un monde qui vit à côté de ses personnages. C’est comme si tout s’était arrêté pour que ce monde soit témoin d’une histoire qui suit ses protagonistes sans jamais les lâcher. Telle est la force du scénario, premier facteur d’une immersion pesante. Et cela sert uniquement de contexte à des messages doublement saisissants. Le premier objectif du film est de parler du monstre, ni animal ni humain, peut-être un mélange des deux, de la violence inaliénable tapie en chacun et qui nous pousse à admettre la cruauté comme seule limite à nos actes et nos pensées. Par ailleurs le film est très approfondis sur le jugement, en particulier lorsqu’on juge par rapport aux apparences. Dès lors s’établit un schéma dévoilant la complexité de l’homme, mettant en avant sa dualité, l’acceptant comme une évidence mais toujours en admettant que c’est l’homme qui choisit quelle face de lui-même utiliser.
Et quoi de mieux qu’une bonne réalisation pour mettre en scène ses messages ? Eh bien… une excellent réalisation. Lumières impeccables, couleurs parfaites, mouvements de caméra immersifs, Big Bad Wolves a du cachet, une attitude visuelle qui, alliée à son histoire, forge sa personnalité, de la même manière qu’un sculpteur taille sa pièce dans le roc. Après tant de films sans personnalité (The Amazing Spider-man 2, Edge of Tomorrow, Transcendance…) le film d’Aharon Keshales et Navot Papushado affiche des caractéristiques incontestablement brillantes. Nous pouvons les remarquer à travers ces gros plans, ces zooms d’un potentiel immersif capital ainsi que la quasi-totalité des plans, formant un ensemble homogène irréprochable, là encore gage de personnalité. Chaque plan permet de se focaliser sur le ou les personnages et l’action en cours, car tout est filmé de près. De ce fait on se retrouve propulsé dans le film, absorbé par une puissance cinématographique à couper le souffle. A la mise en scène parfaite s’ajoute les compositions musicales d’une inspiration géniale. Que celles-là soient durant une intro d’anthologie ou pendant des scènes à tension, elles assurent la continuité d’une ambiance en la sublimant. Des notes lourdes, souvent des crescendos, viennent alors écraser le spectateur, presque victime d’une intensité atteignant un pinacle royal à la fin du long-métrage.
Si Tarantino en a fait l’éloge, il faut reconnaître que Big Bad Wolves atteint des sommets dramatiques qui pourraient faire pâlir les films de ce dernier. Véritable coup de force tragique, Aharon Keshales et Navot Papushado signet ici une claque de puissance, une déclaration d’amour au cinéma et forcément un film qui a le sens de la grandeur. Plus qu’une révélation, un magnifique coup de maître, Big Bad Wolves est le film de l’été…pour l’instant.