"La promesse d’une vie" fait partie de ces films qui passent inaperçus alors que le titre et l’affiche attirent le regard et suscitent l’intérêt. Mais voilà, le film de Russell Crowe n’a pas trouvé son public en France, et c’est contrit que je dus me résoudre à attendre la sortie en Blu-ray pour le voir. Après s’être fait ses premières armes sur des documentaires en tant que réalisateur, il choisit cette fois de porter à l’écran des écrits du lieutenant-colonel Hughes stipulant qu’il était tombé sur une lettre d’un homme qui cherchait son fils après la guerre. Le potentiel est là, et il ne restait plus qu’à construire le reste. L’entame est très bien faite, avec cet homme vivant avec sa femme dans une ferme perdue dans les grands espaces australiens, s’accommodant tant bien que mal avec l’illusion de la présence de leurs 3 fils disparus quatre ans plus tôt lors de la campagne de Gallipoli, aussi appelée Bataille des Dardanelles. Sur de magnifiques images, l’aspect dramatique est là, et franchit même un cap supplémentaire assez rapidement
lorsque l’épouse Connor passe de vie à trépas, bien que cette scène n’ait pas été suffisamment développée selon moi ; pourtant elle donne lieu à une scène qui suscitera un sentiment de scandale lorsqu’on voit le point de vue fermé et à la limite extrême de l’homme d’église, oubliant l’essence même de la religion, et par-dessus le marché cet homme d’église est tellement arriviste qu’on pourrait le comparer à un rapace qui ne laisse rien à ceux qui sont dans la douleur sous prétexte que
. Puis c’est sous un aspect historique que ce père entame les recherches de ses trois fils, en Turquie, un pays en proie à l’anglophobie. La promesse de sa vie, c’est là et maintenant qu’il va s’efforcer de la tenir : celle de ramener ses fils à la maison. C’est seulement muni des notes de ses fils
(lesquelles permettent l’insertion de flashbacks avec des scènes de guerre très dures, notamment la longue agonie d’un des frères Connor),
et de ses intimes convictions, qu’il va ramer contre vents et marées pour réaliser sa quête. Cette aventure fait appel aux bons sentiments des uns et des autres certes (quand ils y sont enclins), facilités par le fait que ce soit le seul père qui soit venu jusque-là pour chercher sa descendance. Et l’histoire n’en est que plus belle. Magnifique. Qui ne rêve pas d’avoir un père prêt à aller au bout du monde pour trouver ce qu’il cherche ? Mais pour chercher quoi, si ce n’est des corps, très probablement affreusement mutilés ? Certes il y a des maladresses, comme l’étrange choix d’adjuger le rôle d’Ayshe, une femme turque, à Olga Kurylenko, ukrainienne… On s’interroge aussi sur le fait qu’il parvient à retrouver si facilement
le cadavre de
deux d’entre eux. Quant au lien qui le lie au Commandant Hasan, il parait peu probable, mais peut se comprendre d’une certaine façon. Russell Crowe signe en tant que comédien une partition une fois de plus parfaite, on sent que le sujet l’a pleinement concerné, et qu’il a mis beaucoup de cœur à l’ouvrage. J’ai trouvé également Yilmaz Erdogan excellent dans la peau du Commandant Hasan, avec cette détermination de tous les instants quelle que soit la situation, et qui cache malgré tout un cœur. Et je dirai qu’il est bien secondé par Cem Yilmaz, son sergent. Me voilà avec un avis plus ou moins mitigé me direz-vous. Oui et non. En fait, pas vraiment. Car Russell Crowe nous rappelle qu’il a fait ses premières réalisations sur des documentaires en nous faisant voyager au travers de la mission que ce père s'est fixé. Après avoir parcouru en courant d’étroites ruelles à la poursuite d’un gamin, nous découvrons les couleurs chatoyantes de la Mosquée Bleue de Constantinople (rebaptisée Istanbul depuis 1930), et tout ce qui fait le monde ottoman : les us et coutumes, les croyances, le folklore, les costumes, les grands marchés, la langue locale heureusement sous-titrée. Tout cela tend à crédibiliser le récit, et en prime on en prend plein les yeux, notamment avec les paysages, accompagnés ou non de crépuscule. La photographie est particulièrement soignée et indéniablement, ce premier long métrage de Russell Crowe est très prometteur, d’autant plus qu’il a réussi à transmettre cette grande sensibilité qui caractérise le comédien dont on devine depuis quelques films sa grandeur d'âme.