L’attitude générale vis-à-vis des abus sexuels sur mineurs a (heureusement) évolué. Très certainement grâce à la vague de fond créée par l’effarant, le monstrueux, le nauséeux scandale des prêtres pédophiles dont la « grande muette » catholique a si longtemps camouflé l’existence.
Au départ, une scène au poste de police, entre un prêtre, un enfant, ses parents, l’avocat, les policiers en charge de « l’enquête » : l’avocat fait des ronrons avec sa voix, les représentants des forces de « l’ordre » émettent des propos cyniques, regards condescendants à l’appui, les parents sont impuissants devant leur enfant anéanti, broyé de honte. Le prêtre, lui, promet que ça ne se reproduira plus, fin de l’audition. Une scène qui a du se reproduire des milliers de fois, d’autant plus que les autorités ecclésiastiques ne se contentaient pas de retirer le prêtre coupable de sa paroisse, mais comble de cynisme et de foi (quelle ironie, ce mot) en l’indétrônable position d’une institution séculaire, le nommaient dans une autre, puis une autre, puis une autre, car bien entendu, il remettait ça chaque fois. Oubliant : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ». On sort de la salle le cœur au bord des lèvres et avec une énorme boule de colère au ventre.
Les rares personnes qui osaient porter plainte se trouvaient très vite démunies car seules face à tout un système qui voulait fermer les yeux, se voiler la face toute entière, se bouchant les oreilles et bouchant les vôtres au passage. Pas vu pas entendu pas dit.
Essayons d’imaginer un court instant l’extraordinaire courage qu’il a fallu aux victimes pour répondre aux questions des journalistes d’investigation du Boston Globe. Ceux-ci se devaient d’insister lourdement, car sans preuves réelles, pas d’article : « Ce n’est pas tout de prononcer le mot « abusé », vous DEVEZ me donner les détails de ce qu’il vous a fait exactement. »
Ce film est un très bel hommage au travail de fourmi fourni par des hommes et des femmes entièrement dédiés à leur métier et à la recherche de la vérité, même quand tout le monde se ligue contre eux, même parfois leur propre hiérarchie. Rappelons au passage que Boston a toujours eu une importante population catholique, ce qui explique l’ampleur de la force d’opposition à la parution de cet article.
Saluons la magnifique performance de magnifiques acteurs, incontestablement : Mark Ruffalo, Michael Keaton, Rachel McAdams, Liev Schreiber, John Slattery, et Stanley Tucci qui tous, à leur manière, crèvent l’écran.